Merci tardif à vous, Jean, Rémy, Joëlle, Dominique, Jacques, Sylvain, Christine, Alain49, Thomas, Robert, Michel, Mélodie et Philip pour vos visites et commentaires !Rien depuis avril, il est temps de donner une suite à ces Libellulages ! S'il avait fallu donner un titre à ce post, j'aurais peut-être hésité entre "Têtes à clics" et "Prises de têtes"… Ou alors "T'as de gros yeux tu sais"… Voyez à quoi vous avez échappé… Donc au menu du jour : la tête de nos amis Odonates, et plus particulièrement le gros morceau que représentent les yeux.
Juste en préambule, un petit rappel sur les termes Libellules, Odonates, etc…
Jusqu'au XVI ème siècle, et le début de l'intérêt des naturalistes pour les insectes, ceux-ci sont désignés par des noms locaux, on dirait aujourd'hui vernaculaires. Les Lépidoptères sont les premiers à être nommés scientifiquement, et c'est Guillaume Rondelet, médecin et naturaliste, contemporain de Rabelais, qui mentionne en 1555 le terme
Libella fluviatilis pour désigner une larve de Zygoptère (Agrion ou proche), en se basant sur la forme du… requin-marteau aux yeux (tiens tiens) latéraux saillants, lui aussi nommé
Libella.
Libella est la dénomination latine du niveau, instrument utilisé par les bâtisseurs, qu'on imagine avoir une forme de "T".
A la même époque, on signale aussi la dénomination
Perla , perle, faisant référence aux gros yeux (tiens tiens) sphériques et brillants des insectes…
Au tournant du XVIII ème siècle, le terme Demoiselle apparait dans les dictionnaires, et Réaumur écrit en 1742 :
Les Mouches appelées ordinairement en Latin Libellae, par quelques Auteurs Perlae, et par d'autres Mordellae sont connues dans presque toute la France, même par les Enfants, sous le nom de Demoiselles : ne le devroient-elles point à la longueur de leur corps, à leur taille fine, pour ainsi dire ?En 1758, Linné impose le terme
Libellula, repris en France en
Libellule, et désigne en fait 18 espèces. C'est Fabricius, naturaliste danois qui en 1793 crée le terme
Odonata ("machoire à dents") dans sa classification des insectes en 13 ordres, et c'est le seul ordre qui perdurera.
Mais revenons à nos
Perla, les yeux des Odonates !
Tout d'abord, à première vue (hi hi), ils s'imposent comme un premier caractère d'identification entre les Zygoptères, fragiles Demoiselles ou Agrions, aux yeux séparés, et les gros porteurs Anisoptères, aux yeux jointifs, excepté les Gomphidae.
1.
Platycnemis pennipes, Pennipatte bleuâtre, yeux très espacés caractéristiques.
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Commentaire: 1. Platycnemis pennipes
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2.
Pyrrhosoma nymphula, petite Nymphe au corps de feu, yeux écartés des Zypoptères.
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Commentaire: 2. Pyrrhosoma nymphula
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3.
Libellula quadrimaculata, Libellule à qutre taches, aux yeux jointifs.
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Commentaire: 3. Libellula quadrimaculata
3 IMG_QUADRI.JPG [ 152.7 Kio | Vu 1299 fois ]
4.
Gomphus graslinii, Gomphe de Graslin, de la seule famille d'Anisoptères au yeux non jointifs
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Commentaire: 4. Gomphus graslinii
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Ces yeux sont en fait des yeux composés, résultat de la juxtaposition de milliers de cellules hexagonales, les ommatidies, dont le nombre varie selon les espèces, et les auteurs, de 15 000 à plus de 30 000 ((
Anax junius, cousin nord-américain de notre
Anax imperator, compterait précisement 28 672 ommatidies pour chaque œil !). Comme des pixels, le nombre d'ommatidies détermine la précision de l'image : une mouche en compte environ 800, une abeille plus de 5000. La partie visible est la cornée, en dessous se trouve le cristallin, puis la partie photosensible, le rhabdome, relié au ganglion optique du cerveau, l'ensemble présentant la forme d'un cône allongé.
5.
Anax imperator et sa mosaïque d'ommatidies
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Commentaire: 5. Anax imperator
5 IMG_ANAX.JPG [ 212.37 Kio | Vu 1299 fois ]
6.
Orthetrum cancellatum, Orthetrum réticulé. Les taches hexagonales claires sont générées par le reflet du soleil.
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Commentaire: 6. Orthetrum cancellatum, Orthetrum réticulé
6 IMG_CANCEL.JPG [ 164.87 Kio | Vu 1299 fois ]
Les pseudo-pupilles constituent un phénomène optique intéressant : si l'observateur (ou le capteur de l'APN) se trouve dans l'axe longitudinal de l'ommatidie, la lumière n'est pas réfléchie et donne donc un ensemble de "points" noirs, qui peuvent évoquer une pupille, et donne au regard des libellules une personnalité surprenante…
7.
Sympetrum striolatum, Sympétrum strié et son beau regard
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Commentaire: 7. Sympetrum striolatum
7 IMG_STRIO.JPG [ 132.68 Kio | Vu 1299 fois ]
8.
Ophiogomphus cecilia, Gomphe serpentin, l'effet "pupille" est moins élégant...
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Commentaire: 8. Ophiogomphus cecilia
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Les ommatidies sont de différentes tailles, celles plus grandes en partie supérieure de l'œil sont plus sensibles aux mouvements et semblent dédiées à la partie haute du champ de vision, le ciel, et donc la recherche de proies - ou de prédateurs - potentiels. Les ommatidies en zone inférieure de l'œil sont consacrées à l'observation du sol et de la végétation environnante.
9.
Sympetrum striolatum et ses ommatidies différenciées
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En plus de ses énormes yeux composés, la libellule possède 3 yeux simples, les ocelles, disposés en triangle sur le front. Ils captent l'intensité lumineuse, et déterminent l'activité, ou le repos, de l'insecte. Pour clore le chapitre des sens, mentionnons les antennes, qui pourraient être des capteurs olfactifs, et de nombreux poils, eux aussi ayant un rôle sensoriel.
10.
Crocothémis erythraea, Crocothémis écarlate, la troisième ocelle est en partie cachée par le front.
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Commentaire: 10. Crocothémis erythraea
10 IMG_CROCO.JPG [ 165.61 Kio | Vu 1299 fois ]
Quelques chiffres pour donner une idée des performances de la vision des Odonates.
L'œil humain perçoit 3 couleurs, rouge, vert et bleu, ce qui donne plus de 8 millions de nuances, dont 1 à 2 millions sont perçues. L'œil des libellules perçoit une vingtaine de couleurs, y compris les UV. Un quart de ces pigments seraient utilisés lors de la vie larvaire.
L'œil humain fonctionne à 60 images/ seconde, la libellule à plus de 200, d'où une acuité et une réactivité exceptionnelles, pour la chasse particulièrement : un moustique serait vu à plus de 20 mètres. Le taux de réussite en chasse est estimé à 40 % pour les lions en groupe, à 50 % pour le grand requin blanc, et il atteint plus de 90 % pour la libellule.
11.
Aeshna cyanea, Aeschne bleue, du bon usage de ses beaux yeux...
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Commentaire: 11. Aeshna cyanea
11 IMG_CYANEA.JPG [ 163.65 Kio | Vu 1299 fois ]
12.
Aeshna affinis, Aeschne affine, peut-être les plus beaux yeux de l'ordre...
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Commentaire: 12. Aeshna affinis
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Voilà, c'est tout pour ce petit topo, étant donné que je n'ai fait que survoler le sujet, laissant le soins aux amateurs de le creuser sur la toile. Je me permets juste de recommander le site de mon presque voisin des Mauges, le Tioneb du Monde des Insectes :
https://www.meslibellules.fr/blog/2019/ ... ision-3-3/Merci d'avoir lu jusqu'ici !