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 Sujet du message: Entretien avec Philippe Moës (interview N°4)
MessagePosté: 21 Août 2020, 20:42 
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Certains photographes de nature « exercent » avec talents et produisent des images qui, bien que parfaitement maîtrisées, ne sont pas l'aboutissement d'une recherche artistique. Il manque souvent cet indicible et intraduisible "langage" de compréhension du naturel, lorsque celui-ci se complaît à nous faire vivre par l'émotion le beau et le rare. Ils sont peu nombreux pour qui les mots " brame, cerf, forêt, Ardenne" nous font mettre en relation instinctivement l'artiste et ses déclinaisons. Encore plus rares sont ceux qui, à travers leurs passions vivent une intensité passionnée pour les couleurs, le secret des forêt, la fragilité du temps, et l'instant sauvage.
Celui qui me fait l'honneur de répondre à mon invitation d'interview est pour moi une grande source de motivation. Les émotions qu'il me transmet à travers ses éditions, sont à même de me ressourcer, de me troubler positivement. Cherchant à percer ce qui conduit cet homme que je sais humble à toujours, encore et encore instiller l'espoir quand tout autour de nous à tendance à mourir du manque d'émerveillement.
J'a i le plaisir de te demander, cher Philippe, de te présenter aux membres du forum Image & Nature.


J'ai 48 ans et suis avant tout un amoureux de la Nature, venu à la photographie de manière autodidacte il y a 33 ans déjà, avec des moyens totalement ridicules à l'époque, mais qui ont forgé ma passion. Celle-ci a débuté avec un regard centré sur les grands mammifères, avant de s'étendre aux oiseaux, puis d'embrasser petit à petit l'ensemble du vivant , paysages inclus. Une des "finalités" actuelles de mon activité consiste à partager ma modeste expérience par le biais de l'écriture et l'illustration de livres (12 à ce jour).

J'ai découvert ton actualité en 2003. Je sais que tu es né en Afrique et que ton "parcours" t'a mené jusqu'en Belgique. Une chance pour toi après avoir connu les grands espaces africains ?

Je ne saurai jamais si c'est une chance ou pas. En principe le "hasard" fait bien les choses. Du point de vue naturaliste, la Belgique est un pays relativement pauvre par rapport à d'autres, en raison notamment de sa densité de population parmi les plus fortes d'Europe, d'où mon choix d'ailleurs de vivre dans une des régions les moins peuplées du pays. Du point de vue photographique, ce qui m'est apparu au fil du temps par contre, c'est que cette promiscuité a peut-être aiguisé mon regard. Il est en effet indispensable dans ce contexte, pour "survivre" émotionnellement, de chercher les détails intéressants entre les maisons, les routes, les lignes électriques, les antennes et autres éléments anthropisés. C'est peut-être pour cela qu'il y a quand même quelques bons photographes-Nature dans ce petit pays ? Mais c'est en tous les cas souvent déprimant et une des raisons pour lesquelles j'adore la brume, qui permet de masquer temporairement toutes ces blessures paysagères grandissantes, imposées par les humains.

A quinze ans, lorsque ce même parcours te conduit vers ta terre d'adoption, as tu déjà l'envie de figer des instants nature à travers l'objectif d'un appareil photo ?

Clairement, la nature a été pour moi LA bouée de secours qu'il me fallait. Après avoir connu une telle liberté et de telles splendeurs en Afrique, me retrouver dans le béton et la pollution était un vrai déracinement et c'est tout naturellement que je me suis tourné vers le premier (et seul) espace vert de la région, un bois périurbain d'environ 150 hectares. D'abord avec des jumelles, puis avec l'appareil photo de mon père (un basique Yashica équipé d' un 135mm) pour tenter d'en rapporter des images de chevreuil. C'est dans ce contexte un peu compliqué que ma passion s'est ancrée.

Depuis tes débuts à l'âge de 16 ans, quel photographe es tu devenu ? Quel vision as tu de ton parcours ?

je suis devenu ce que la vie a bien évidemment voulu faire de moi. Mon parcours a été marqué par de nombreux paliers, à commencer par ce gros épisode africano-européen, puis par un accident de sport à l'âge de 17 ans, qui m'a définitivement écarté de cette voie que j'espérais suivre professionnellement à l'époque. Un autre élément déterminent a certainement été le fait d'être totalement autodidacte et fortement "coupé" de ce que faisaient les autres photographes à mes débuts. Cela a forcément forgé un regard relativement "indépendant": Internet n'existait pas (difficile à imaginer pour celles et ceux qui l'ont toujours connu !), il n'y avait aucune revue dédiée à la photo-Nature en langue française, les livres traitant du sujet étaient rarissimes et en tous cas pas en ma possession ou dans d'autres langues etc...Cette évolution incomparablement plus "autocentrée" qu'aujourd'hui a évolué assez rapidement vers une vision idéaliste dans laquelle le sujet avait autant d'importance que le décor autour de lui: peut-être était-ce là une traduction du traumatisme vécu en revenant d'Afrique, plongé dans un environnement fortement dégradé et me poussant par conséquence à valoriser le peu qui restait sans me contenter du seul sujet animal ? Toujours est-il qu'assez rapidement, j'ai pris goût et recherché particulièrement ce qui reste encore aujourd'hui pour moi le plus difficile et beau des clichés: le paysage animalier. Dans ce genre de composition, la lumière, le sujet, le décor, l'ambiance globale ont autant d'importance. Dans le domaine, j'ai d'ailleurs probablement été un des "pionniers", même si actuellement ce type d'images est devenu extrêmement courant. Actuellement je me définirais comme un photographe naturaliste (versus animalier), polyvalent (désormais autant attiré par les paysages que par la vie sauvage) et toujours amateur (je ne consacre que peu de temps à la photographie, en regard de celui consacré à mon travail et à ma famille entre autre).

Rares sont ceux qui livrent à travers leurs talents la possibilité de décrire et d'écrire comme tu le fais sur la nature. Cette émotion que tu nous délivre à travers tes écritures est-elle selon toi inséparable de ta passion pour l'image ?

L'écriture et le soucis de transmettre font partie des choses qui m'animent depuis très longtemps. J'étais d'ailleurs encore étudiant quand j'ai écrit et illustré mon premier article (sur l'engoulevent, aujourd'hui pratiquement disparu de Wallonie), dans la revue AVES, en 1992. Il m'a néanmoins fallu publier mon premier livre, "Instant fragiles", onze ans plus tard, pour réaliser vraiment qu'assembler mes clichés et textes dans des ouvrages pouvait devenir une forme de finalité par rapport à mon activité, tant photographique que naturaliste. Par la suite j'ai continué à associer ces deux disciplines, au travers d'ouvrages diversifiés , mais ayant toujours trait au patrimoine de nos régions. 2020 marquera en ces matières un nouveau tournant, avec la parution prochaine d'un ouvrage dans lequel je n'aurai écrit qu'une très petite partie des textes et illustrant le patrimoine naturel d'une autre partie du monde.

Je sais que ton écriture a fait l'objet d'une déclinaison dans une œuvre littéraire. Une reconnaissance pour toi ?

même si se débrouiller en écriture est avant tout une grâce et qu'il faut rester humble par rapport à ces choses là, oui, c'est un élément de fierté, tout comme celui d'avoir pu jusqu'ici associer textes, images et régulièrement "combat de fond" dans des domaines relativement variés. Parvenir (ce n'est pas le cas de tous mes livres ) à concilier ces éléments constitue en outre pour moi la différence essentielle entre un livre et un simple album-photo.

Il y a souvent dans tes photos que nous avons le plaisir de découvrir, une forme de poésie, de belles sensations d'apesanteur, de temps suspendu. Une volonté chez toi de nous livrer ce que tu vis sur le terrain lorsqu'en attente, lors d'un affût ton âme vagabonde ?

Ces images-là correspondent à ce que je recherche le plus, car ce sont celles qui font "waw" dans mon esprit. Elles sont néanmoins peu nombreuses chaque année, car il faut concilier simultanément présence du sujet, beau décor et lumière éphémère. Cette difficulté procure par contre une part de leur saveur, à mes yeux à tout le moins.

Après avoir "subi" ta passion pour les cervidés, et nous avoir gratifiés de magnifiques captations, il me semble que ta pratique photographique a évolué vers une polyvalence plus à même de "servir" le passionné de nature que tu es.

C'est tout à fait exact et clairement volontaire. Adolescent, en sport, avant cet accident qui a changé ma vie et la marque encore puissamment aujourd'hui , je m'entraînais pour le décathlon. En matière de nature c'est un peu la même chose, j'aime l'idée de la polyvalence, d'une certaine forme de quête de complétude. Bien sûr cela n'empêche pas de se spécialiser dans l'une ou l'autre discipline, mais il est très important à mes yeux d'essayer d'avoir une vision relativement large. Par exemple, si je n'étais qu'un monomaniaque du cerf, je ne comprendrais rien aux enjeux des équilibres si fragiles régulant la forêt et serais sans doute "aveugle", voire de "mauvaise" foi", par rapport à certains enjeux. Le cerf ne doit pas cacher la forêt. Il en va de même pour tellement de choses dans la vie...

Dans tes livres que j'ai le plaisir de lire et relire, tu fais souvent référence aux couleurs. Celles qui t'entourent, qui te plongent dans une forme de réflexion...

Effectivement, c'est que la vie serait bien triste sans couleurs ! Un proverbe africain dit avec raison qu'on ne peut pas écrire du blanc sur du blanc ou du noir sur du noir, chacun ayant besoin de l'autre pour se révéler. Et que dire des couleurs, qui apportent une infinité de nuances dans nos perceptions ! Il suffit pour s'en convaincre d'observer l'universelle fascination de l'être humain pour les couchers de soleil, chaque jour si différents... Ceci étant dit, j'aime aussi les images dépourvues complètement de couleurs, mais alors il faut qu'elles illustrent l'essentiel, soit avec des traits de caractère fort et d'infinies nuances de gris, soit par le biais de silhouettes très épurées. C'est un autre genre, dans lequel je me complais également et qui fera d'ailleurs l'objet d'une toute nouvelle exposition en octobre prochain.

Tes photographies ont fait l'objet de prix aux quatre coins du monde. Allemagne, Russie, USA, Italie, Pays-Bas, Belgique, France. Ces prix sont-ils pour toi une source de satisfaction, mais plus objectivement, sont ils à même de pouvoir être un élément important pour faire vivre le photographe que tu es sachant qu'aujourd'hui tu le sais, seuls quelques 5 ou 6 photographes de nature vivent exclusivement de leur production d'images ?

Bien sûr une récompense procure une satisfaction personnelle par rapport à un travail fourni, laquelle est d'autant plus grande que dans les concours, les amateurs et les professionnels se retrouvent mélangés, ce qui veut dire que quand un modeste amateur sort son épingle du jeu, c'est d'autant plus gratifiant ! Actuellement, pour diverses raisons, je ne participe presque plus aux concours, même si je reste fidèle à quelques-uns essentiellement en France et en Belgique. Par contre, antérieurement, pendant une petite décennie, j'ai effectivement consacré pas mal d'énergie à envoyer des images un peu partout en Europe. Il y avait plusieurs raisons à cela: tester la "valeur" de mes images (même si cela reste extrêmement subjectif) , acquérir du matériel ou de quoi en acheter (une large proportion de mon matériel provient de prix obtenus lors de concours), voyager (j'ai pu, grâce à des prix, voyager régulièrement en couple ou en famille, ce qui était une manière de compenser mes absences liées à la photo- dans plusieurs pays d'Europe et même d'Afrique) et enfin, tenter d'augmenter ma "visibilité". A vrai dire, pour répondre à la fin de la question, je pense que ce dernier point n'a fait que flatter mon ego et je ne suis pas sûr qu'il m'ait ouvert tant de portes, mais je peux me tromper. Pour des films ce serait très différent, car un même film peut être primé dans une multitude de festivals sans que ce soit gênant (cela contribue plutôt à le faire connaître et à lui faire prendre de la valeur), alors qu'en photo, les organisateurs veulent toujours des clichés inédits. Difficile donc de faire des concours un tremplin professionnel, même si indéniablement cela peut l'être très ponctuellement, mais encore faut-il alors s'inscrire dans la durée ?!

Parlons maintenant de ta technique. Qu'elle approche favorises tu ? plus billebaude ou affût ?

très clairement l'affût. D'abord parce que c'est beaucoup moins dérangeant-invasif (odeur colportée sur une petite surface). Ensuite parce que cela permet de choisir à l'avance les conditions de prise de vue (décor, angle de la lumière, zone d'arrivée du sujet) et enfin parce que cela permet d'observer, dans des conditions optimales, des comportements les plus naturels possible. Je pratique également l'approche , mais uniquement pour certains sujets et quand les conditions -météorologiques notamment- répondent à une série de critères précis.

Quel territoire t'a donné le plus de satisfactions depuis toutes ces années de pratique (toutes captations confondues) ?

les territoires qui m'ont le plus arraché des "waw" sont la Namibie et l'Islande, par le biais de leurs étendues sauvages et/ou leurs lumières. Malheureusement, l'Islande est actuellement victime de sa belle réputation et glisse lentement - au moins localement- vers un tourisme de masse.

Le matériel est-il à ton avis aujourd'hui une source de distinction pour produire des images différentes et ainsi se démarquer ? Je pense au boîtiers en particulier, mais aussi aux optiques.

je dis toujours à mes stagiaires: si on "lâche" dans nos forêts un super photographe, bien équipé mais non naturaliste, en lui demandant de rapporter des images de faune sauvage (pas macro), il lui faudra un sacré bout de temps avant de rapporter quelques chose de valable. Par contre si vous prenez un bon naturaliste, inexpérimenté en photographie mais à qui vous confiez un matériel correct et quelques explications et que lui vous lui demandez de faire le même exercice, les résultats tomberont très vite ! Certes le matériel est important, mais il ne fait (heureusement) pas tout ! Je pense que les différences de prix entre les optiques et boîtiers justifient les dépenses uniquement quand on veut précisément franchir un pallier qualitatif et donc, quand on en a l'usage. En ce qui me concerne cela a été le cas quand je suis passé du 135mm de mon père à un 400mm F5.5, puis à un 500mm F4 manuel, puis à un 600mm F4 IS AF et enfin au récent 200-600 F5.6-6.3 pour les optiques, tout cela en 33 ans. Côté boîtier, il est clair que pour marquer la différence, en animalier en tous las cas, la possibilité de monter en hauts isos et en rafale rapide a été décisive dans l'explosion qualitative des résultats cette dernière décennie. Il suffit pour s'en convaincre de comparer les résultats de concours internationaux . Mais on peut heureusement toujours réaliser de très belles images avec du matériel amateur, la différence se marquant surtout en termes de résultats quand on va vouloir zoomer dans l'image ou figer des mouvements ultra-rapides.

Le reflex Plein ou demi format a t'il selon toi encore de beaux jours à vivre dans les sacs des photographes de nature ?

cela dépend des usages. Pour les photographes bourlingueurs (solidité), ou des contrées froides (usage de gros gants et de batteries costaudes) ou pas spécialement naturalistes (le reflex reste traumatisant en termes de bruit de déclenchement), je pense que le reflex a encore quelques belles années devant lui . Pour les autres, particulièrement les photographes de mammifères et oiseaux de nos régions, ou ceux qui souhaitent alléger leur sac photo, non ! Les hybrides offrent pour ces usages des qualités attendues depuis tellement longtemps (dont le silence de déclenchement qui est un véritable bonheur !) que je pense plutôt à une conversion rapide. En dehors du monde "animalier" ou naturaliste déjà, les ventes d'hybrides ont dépassé les ventes de reflex ( jusqu'à 90% des ventes dans certains pays).

Être référant d'une marque c'est évidement agréable sur le plan du matériel. Mais quelles sont tes obligations envers la marque (CANON) que tu représentes ?

En réalité je n'ai jamais été un référant officiel en termes de matériel, si ce n'est de manière très ponctuelle sur l'un ou l'autre festival et ce, il y a pas mal d'années déjà. Les grandes marques prennent rarement des naturalistes pour les représenter au fil de l'année (bien que cela évolue lentement). En dehors de ces très rares "représentations publiques", je suis resté libre de choisir la marque de mon matériel et viens d'ailleurs, après moult réflexions et tests bien sûr, d'en changer en ce début d'année.

Parlons maintenant de tes éditions. De tes livres en particulier. Je sais que l'écriture demeure pour toi un complément très important à l'image. Mais décides tu de créer une nouvelle édition par rapport à ton écriture au tout début de ton projet, ou les images produisent chez toi le déclic de vouloir coucher sur le papier tes nouvelles captations ?

Chaque projet est vraiment différent de ce point de vue. Le seul point commun étant que je ne souhaite pas proposer de simples livres muets, que je qualifierais plutôt d'albums-photo. De même, le texte ne doit pas être pour moi juste un complément visant à "habiller" les images: le lecteur doit pouvoir y trouver son compte autant que dans les clichés, soit en rêvant, soit en apprenant quelque chose, soit en étant porté -comme j'espère que ce sera le cas avec le petit nouveau à paraître- à une introspection. Ainsi certains livres se construisent autour des images et une fois celles-ci rassemblées en suffisance, j'écris le texte en conséquence. C'est le cas généralement des ouvrages dans lesquels les textes ont pris la forme de récits, comme "Instants fragiles", "Sous l'aile du temps" ou encore "De perles et de feu". D'autres par contre sont construits autour d'un message, d'un texte "de fond" qui en constitue la part essentielle et qu'il a fallu illustrer. C'est la cas notamment de "Jardin à plumes" ou "La photographie en forêt-pratique-Éthique". Enfin certains allient plus fortement que d'autres les textes de fond et les images esthétiques, comme "Cheval vapeur" (livre plutôt "patrimonial") et surtout "Au nom du cerf", qui reste mon livre "coup de cœur" à bien des égards.

Le livre qui m'a le plus touché artistiquement est sans nulle comparaison pour moi "au cœur des couleurs" paru en 2017. Pour cette idée de lier la photographie à la peinture et ainsi compléter le panel de visions possibles sur la nature. La déclinaison, la mise en page, les illustrations, touchent le public au cœur selon moi. Yves Fagniart est un artiste formidable et ses traits son autant de "familiarités" pour la nature. Au point que dans ce livre la question se pose... Photographe rêvant d'être peintre ou l'inverse pour vous deux ?

Pour savoir ce qu'Yves pense de cela, il faudra lui demander ! Me concernant, non je ne rêve pas du tout d'être peintre, mais j'apprécie beaucoup la peinture et particulièrement le style qu'Yves s'est créé, sur lequel nous sommes alignés. Mais ce livre était aussi, voire avant tout, une aventure amicale car Yves est une belle personne, doublé d'un naturaliste hors pair en plus d'être doué pour la peinture. Cela n'a néanmoins pas été simple du tout d'associer les deux disciplines sans qu'elles ne se déprécient l'une l'autre, mais l'équilibre trouvé finalement nous a satisfait. C'est en fait une gageure dans plusieurs de mes ouvrages ! Les plus compliqués, à cet égard, ont été "Cheval vapeur" et "Au nom du cerf", car il fallait concilier des images didactiques (parfois âgée de près de 20 ans et prises dans des conditions techniques épouvantables pour les suivis de cerfs !) et des images totalement esthétiques, ainsi que des textes didactiques et d'autres plus "cérébraux". Mais le résultat a suivi dans chaque cas, avec des mises en œuvre spécifiques, comme effectivement dans "Au cœur des couleurs". Encore une fois, rien à voir avec des albums...

Les livres sont ils selon toi la finalité qui donne le plus de satisfactions au photographe que tu es, ou trouves tu dans les récompenses une sorte de motivation de reconnaissance que les livres ne pourront jamais produire chez toi ?

Les récompenses ne caressent que l'ego. Les livres participent à la construction de quelque chose de bien plus durable et profond. L'avènement de chaque livre est un peu la naissance d'un bébé de papier, qui a été rêvé et porté pendant une grossesse variant, jusqu'ici, de 2 à 15 ans...

Quel livre à ce jour trouves tu le plus abouti, le plus à même de cerner l'artiste, le contemplatif que tu es ?

"Au nom du cerf" est le plus abouti en termes de richesse en illustrations, d'équilibre entre textes et images, de format, de qualité d'impression, de rareté de certaines des images présentées, de longueur de gestation, de quantité d'années pour accumuler les images nécessaires, de profondeur de quelques textes écrits par mon co-auteur... (Malheureusement la maison d'édition a fermé boutique juste après sa sortie donc la diffusion n'a pas été à la hauteur). Mais c'est avant tout un livre de fond, pas spécialement un ouvrage artistique. De ce côté, jusqu'ici, le plus abouti pourrait être "Au cœur des couleurs" précédemment évoqué, ou encore, dans un autre style, "Sous l'aile du temps", coécrit et co-illustré avec Fabrice Cahez. Enfin, sur le plan de ce qui semble avoir le plus plu au grand public , "Ardenne de sève et de sang" l'emporte, puisqu'il a été édité et épuisé deux fois avant d'être traduit en Allemand.

Donnes tu tes photos à optimiser à un professionnel avant imprimerie ou fais tu toi même cette opération ?

je le fais moi-même et y touche le moins possible. C'est d'ailleurs frustrant car je m'échine depuis 30 ans à essayer de produire à la prise de vue LA bonne photo , mais aucun livre n'a jamais le même format homothétique 24x36 (trop de déchets papier) , donc il faut souvent tailler dedans, ou alors la présenter sur deux pages ou dans un format réduit...Seules les expositions permettent finalement de présenter les images sous leur meilleur jour.

Aujourd'hui il est bien difficile de financer un ouvrage de photos ayant pour thème la nature, l'animalier... Quels conseils donnes tu aux photographes qui veulent se lancer dans l'édition d'un livre ?

Le premier essais doit être concluant, donc ne pas présenter quelque chose d'approximatif. Mieux vaut 120 belles images que 150 dont 30 moyennes. Ensuite, ne pas se contenter d'un simple album. Si le lecteur a fini sa "lecture" après 10 minutes, je trouve cela triste. Chercher à apporter du contenu autre que graphique est un plus, à mes yeux. Tâcher d'être original est également un atout, tant de choses ayant déjà été faites...Enfin, suivre toutes les étapes de près, depuis la mise en page jusqu'à l'impression (quand c'est possible) est important, car si un seul maillon de la chaîne est faible, le travail de plusieurs années tout peut être gâché ! Côté financement, je n'ai jamais fait de livres en totale autoédition, pour diverses raisons, dont le fait que je n'ai ni la place de stockage pour des milliers de livres, ni le temps de faire du réassort dans les librairies (ce qui est un vrai métier et nécessite également beaucoup de temps !). Mais cela dépend de chacun et il existe aujourd'hui des plateformes de financement participatif qui sont très tentantes et permettent de gagner bien plus d'argent qu'avec un éditeur, chez qui les droits d'auteur ne couvrent généralement même pas les frais de déplacement encourus pour les prises de vue.... Conseil ultime donc: sauf à réaliser un best seller ou à travailler à compte d'auteur et/ou vendre soi-même sa production: ne pas le faire avec comme but de gagner de l'argent !

Philippe Moës a t'il aujourd'hui un nouveau projet de livre à nous donner en exclusivité pour les membres du forum ?

Mon 12è ouvrage doit paraître cet automne, dans un registre-textes autant que photos- assez différent de ce que j'ai publié jusqu'ici ! Il est parti...ce matin à l'impression et je me réjouis d'avoir le bébé de papier en main comme si c'était mon premier ! Malheureusement je ne suis pas encore autorisé à en dévoiler le contenu détaillé, c'est une histoire des quelques jours sans doute. J'invite donc les personnes intéressées à suivre "mon" actualité dans les semaines qui suivent !

Parlons maintenant de l'homme. De celui qui conjugue les talents, mais aussi de ses troubles et de ses failles. Quel est selon toi ce qui te blesse le plus dans le monde d'aujourd'hui ?

ce qui tue la planète et l'humanité -et me blesse donc- sont à mes yeux le manque d'empathie (et donc d'amour), la cupidité exacerbée, l'égocentrisme et l'hyper-matérialisme. Ceux qui liront mon prochain livre trouveront d'ailleurs à ces sujets quelques humbles pistes de réflexion, tout en positivité.

Si tu pouvais être un "super héro" quels seraient tes pouvoirs pour résoudre les problèmes de la planète?

Envoyer une "illumination des consciences", collective, très forte et durable ! En passant, l'humanité vivrait en paix et en équilibre avec la nature si elle avait appliqué -sans les transformer à son profit certains des préceptes des grands sages que ce monde a porté depuis deux mille ans. Mais l'esprit se meurt, au profit de la seule matière et c'est bien ce qui tue la planète...

Es tu plutôt un taiseux ou un homme qui s'exprime facilement quand il s'agit de donner son avis ?

Taiseux en terrain inconnu ou en présence de personnalités extraverties, mais potentiellement intarissable quand je dois partager une passion!

Quel regard a ta famille sur ton art et ta réussite à travers la photographie ?

pas spécialement facile à dire, variable sans doute, en fonction de ce qu'elle a à subir ? Mon rôle auprès d'elle est de faire de mon mieux en tant que père et mari avant tout et non comme photographe. Néanmoins, il me semble capter, en certaines occasions, une pointe de fierté qui fait toujours plaisir. Mais la réussite d'une vie ne tient pas à cela...

Est-elle ton premier public, ta première expérience de partage de sensations ?

les quelques fois où je souhaite envoyer des images à un concours ou si je dois présenter un projet de livre ou de diaporama par exemple, elle est effectivement mon premier public. Quant à l'accueil de mes récits d'observations, l'intérêt est variable d'un membre de la famille à l'autre et il est vrai que je n'en soumets pas beaucoup.

Mars, avril 2020… Le Coronavirus impose le confinement aux français. A 20h00, chaque soir, les applaudissements pleuvent des balcons, la solidarité suinte de chaque porte, l’émotion est à son comble. Il faut soutenir les soignants, les accompagnants, les aidants. Juillet, août 2020, les gestes barrières sont oubliés, la solidarité balayée par un vent de cloisonnement. Les uns ne croient plus dans la dangerosité du virus, les autres ne se sentent plus concernés, visés. Leurs âges les autorisant à prendre des risques qui restent presque uniquement dirigés vers les plus vieux.
Clivant, inquiétant, le virus révèle une situation qui met en lumière la fragilité non seulement du vivre ensemble, mais surtout du respect des plus élémentaires conditions de mutualité du vivant. Penser aux autres semble, comme pour la nature, étrangement impossible.
Comment Philippe Moës vit-il cette période ?


La question qui fâche...Impossible de résumer cela en quelques lignes et difficile de ne pas s'emballer ou de porter de jugement, donc je serai bref ! Je n'ai personnellement pas été confiné vu mon métier et n'en ai pas souffert à titre strictement égoïste, d'autant que personne dans mon entourage n'a été touché. Ceci illustre combien les situations ont pu être différentes et les inégalités, se renforcer. Au-delà de cette précision nombriliste, j'ai évidemment pu voir la détresse que ce énième avertissement à l'humanité a provoqué et provoque(ra) encore et ce, de manière bien plus douloureuse sur d'autres continents que sur le nôtre où le mot "sécurité sociale" a (re)pris tout son sens. Pour le reste, je ne me permettrai pas de juger les mesures prises, lesquelles ont dû l'être sur base de connaissances infiniment plus grandes que les miennes. Je suis par contre en droit de regretter le silence politique, quasi absolu et depuis toujours dans notre culture, sur l'importance capitale de soigner notre hygiène de vie pour prévenir -ou maintenir à bas taux de gravité- les maladies au sens large, dont le Covid19. Nos décideurs et grands médias se focalisent en outre presqu'exclusivement sur la seule perspective de créer, à une vitesse aussi miraculeuse que douteuse, un vaccin (chargé en nanoparticules traçables tant qu'à faire) qui devrait à lui seul régler tous les problèmes et surtout, soit dit en passant, permettre de ne rien remettre en question dans nos modes de vie (et recommencer gaiement chaque année avec Covid 20, 21, 22 et chaque nouveau virus à venir...) Quand on sait que des solutions simples et/ou naturelles existent mais sont volontairement tues et que parallèlement, ces vaccins douteux risquent fort de nous être imposés, cela ne renforce pas ma confiance dans le monde médical et (agro-) chimique occidental, déjà bien entamée par mon parcours de "Lymé"...

480 000 ! C’est le nombre de véhicules neufs en sur stock à la fin du confinement. Les marques ne savent plus que faire pour écouler leurs stocks invendus. Il suffira d’une campagne de 5 jours de publicités et de primes pour vendre plus de 300 000 unités. Les ventes sur le net explosent, la consommation redouble d’intensité, au point que les grandes surfaces peinent à tenir les approvisionnements. L’accalmie aura été de courte durée. L’espace d’un moment, l’espoir d’une prise de conscience concernant notre sur consommation a fait jour pour finalement s’évaporer dés la « liberté » retrouvée.
Quel regard portes-tu sur notre légèreté et facilité à oublier si vite ce qui importe, ce qui semble pourtant si vital pour notre condition de vie ?

Sans la véritable prise de conscience évoquée plus haut, je crains que l'histoire ne se répète, victime des maux évoqués plus haut également. Je garde espoir qu'une partie des gens "conscients" et donc "préparés" soit épargnée, mais en toute sincérité, je suis assez convaincu de vivre prochainement -moi-même et donc pas uniquement mes enfants- le "big collapse" annoncé tant par certains prophètes que par le monde scientifique (je veux dire celui qui n'est habituellement pas écouté et dénonce depuis longtemps des problèmes bien plus graves, profonds et systémiques que celui du Corona). S'attendre à cela permet en tout cas, théoriquement, de mieux s'y préparer, mais bien entendu, chacun reste libre de penser ce qu'il veut et 1000 fois tant mieux si je me trompe !

Pour finir sur une note plus légère. Tes goûts musicaux, tes lectures, tes loisirs… ?

mes goûts musicaux se portent généralement sur des chansons à textes, en français, souvent poétiques ou chargés de sens, ou encore sur des musiques sans paroles, portant à l'apaisement voire à la méditation.

Côté lectures, j'ai l'impression d'avoir vécu plusieurs vies. Pendant des décennies je n'ai nourri que mon cerveau, avec des lectures techniques sur la Nature essentiellement. S'en est suivie une période de plusieurs années durant lesquelles je me suis concentré sur la santé naturelle , l'énergétique, les médecines alternatives et l'alimentation, en recherche notamment de solutions pour la maladie de Lyme chronique que la médecine occidentale peine à soigner. Actuellement, je suis plongé dans une autre dimension, complémentaire par rapport aux deux autres, avec des sujets dédiés à la philosophie et à la spiritualité. Nous sommes des êtres complets et avons tendance à le négliger. Corps et esprit sont totalement imbriqués et il est aussi important de nourrir l'un que l'autre, mais cette prise de conscience est vraisemblablement le ...privilège de l'âge ?!
Enfin côté loisirs, je gère un site de grand intérêt biologique, ainsi qu'un potager en permaculture et possède également un petit élevage, familial et extensif, de truites, moutons et poules, tout en étant actif dans quatre associations de bénévoles. Tout cela n'aide pas à dégager du temps pour la photographie ...

Des projets de voyages ? D’expositions ? De stages ?

Le covid a balayé la plupart des projets de 2020. J'ai malgré tout organisé les sessions pour mes stages de 2021. Je ne serais pas surpris si tout devait à nouveau être annulé, néanmoins je prépare tout comme si ils devaient avoir lieu. La prochaine exposition par contre devrait bel et bien avoir lieu, au Festival International de Nature à Namur, en octobre prochain, portant sur mon nouvel ouvrage. Cette information et d'autres (plusieurs expositions extérieures en cours par exemple) sont reprises sur mon site internet http://www.photos-moes.be

Désirant comme à mon habitude laisser à mon invité la possibilité de livrer un sentiment, une révolte, une remarque qui lui tient à cœur, tu as carte blanche pour nous dire ce qui t’importe en ce moment.

Merci pour toutes ces questions d'une grande pertinence ! Pour conclure je pense à une histoire issue de la sagesse amérindienne: un vieux Cherokee explique à son petit-fils que chacun de nous a en lui deux loups qui se livrent bataille. Le premier représente la sérénité, l’amour et la gentillesse. Le second représente la peur, l’avidité et la haine. «Lequel des deux gagne ? » demande l’enfant. Le grand-père répond : « Celui que l’on nourrit… ». Prenons -donc conscience de la part de lumière présente en chacun de nous, cultivons là et faisons de notre mieux pour l'extérioriser, sans quoi l'autre "face" l'emportera, à l'échelle de chacun comme à celle de la planète. Nos sorts sont liés.

Le temps est venu de se séparer et de te remercier pour ton implication à faire vivre en partage ta passion pour la photographie de nature.
J’aime à dire que tu es le symbole même de ce que l’image peut engendrer de contraires. Tu es venu d’un pays ou certains rêvent d’aller capter les plus beaux spécimens de fauves, de girafes, de rhinocéros ou d’éléphants, pour venir enrichir notre patrimoine naturel par ton œil si pertinent de photographe. Visant l’accessible pour faire la démonstration qu’il est possible dans notre environnement proche de capter toute la beauté d’une nature finalement si extraordinaire.
Merci donc pour cette intelligence, résidant dans la pertinence d’observation, la patience d’apprentissage, et le savoir talentueusement partagé.


Philip Charbit

Bonne lecture à tous...


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 Sujet du message: Re: Entretien avec Philippe Moës (interview N°4)
MessagePosté: 22 Août 2020, 12:18 
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Bonjour Philippe et merci pour cette intéressant entretien.

Depuis que j'ai débuté en photographie de cervidés tu es ma référence en la matière, comme l'est donc également ton livre "Au nom du cerf" co-écrit avec Gérard Jadoul.
Dans ce livre , les textes, toujours instructifs et souvent plaisants, comptent en effet autant que les photographies pour en faire un vrai livre et non un simple catalogue d'images.

Hormis les textes, ma préférence dans ce livre va aux "paysages animaliers" qui combinent un sujet présenté de manière originale mais qui n'écrase pas l'image + un environnement parfois bucolique mais plus souvent austère + une ambiance qui magnifie l'ensemble ( brume ou lumière particulière ) comme c'est le cas, par exemple, pour la 2ème image présentée sur le présent post.
En matière de paysages animaliers, tu as peut-être été un précurseur, mais n'est-ce pas assez habituel chez les photographes animaliers que de débuter par des gros-plans pour prendre au fil des ans du recul et mieux intégrer le sujet dans un environnement ?

Je voudrais bien savoir en faire autant, mais c'est très difficile : Parmi les dizaines de lieux d'affûts que je me suis préparé, je sais bien identifier ceux présentant des environnements particulièrement valorisants et en répétant les séances d'affûts en ces endroits je peux espérer qu'un cervidé vienne enfin à passer au bon endroit au bon moment. Mais il y a très peu de chance pour que cette fois-là l'ambiance, brumeuse ou lumineuse, soit également la plus favorable. Je comprend que tu ne ramènes chaque année qu'un nombre très limité de prises de vue satisfaisant à tous ces critères. Quand tu reviens d'un de ces affût qui t'as permis d'en ramener ce que tu sais déjà être "un beau paysage animalier", est-ce que tu te félicites de l'avoir créé ou bien de l'avoir reçu ( cad de la chance qui te l'a donné ) ? Je sais que c'est une question "simpliste" mais c'est une manière de te relancer sur le sujet ;) .

Indépendamment de l'animalier , j'aime aussi tes paysages forestiers Ardennais. Au contraire des panoramiques qui peuvent se contenter de s'appuyer sur l'aspect spectaculaire d'un relief montagneux, d'une immensité désertique, d'une majestueuse chute d'eau ou d'un exubérant coucher de soleil , l'espace présenté est plus restreint et les éléments avec lesquels composer sont plus modestes ( arbre , clairière , sentier , tourbière , ruisseau ,...) et l'ensemble se trouve valorisé par une composition encore plus exigeante et par l'ambiance brumeuse ou lumineuse. La 4ème image présentée sur le présent post en est un bel exemple. De telles images parlent surtout aux fervents adeptes des ballades en nature sauvage, lesquels savent imaginer ce qui n'est pas montrable ( la discrète musique des oiseaux et du vent, les fluctuants jeux de lumière dans les sous-bois, les sens avivés par l'imminence des rencontres espérées ,etc. Toutes choses non montrables mais suggérables dans un éventuel texte).

Je termine en approuvant ta vision sur les avantages comparés des Réflex et des Hybrides ( le silence de ces derniers est en effet "un véritable bonheur". On comprend qu'en praticien des prises de vue de cervidés tu sois très attentif à cet aspect des choses. On peut obtenir un quasi-silence avec un réflex en le couvrant d'un moufle renforcé mais alors c'est la maniabilité et l'accessibilité aux commandes qui s'en trouve pénalisées ).

Bonne chance pour tes projets.

Merci à Philip pour avoir réalisé cet entretien.

François


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 Sujet du message: Re: Entretien avec Philippe Moës (interview N°4)
MessagePosté: 22 Août 2020, 18:29 
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Merci à Philippe et Philip pour cet entretien extrêmement intéressant
Les réponses que Philippe a donné aux pertinentes questions de Philip, ont été si complètes et clairement exprimées, qu'il n'y a pour moi aucune zone d'ombre nécessitant d'être éclaircie
Il me vient juste une question : au vue de ton expérience de décathlonien (malheureusement pour toi interrompue pour raison de santé), en tant que naturaliste/photographe/rédacteur, dans ta pratique penses-tu que tu viens de terminer le concours de la longueur, que tu es au terme de la première journée ou qu'il ne te reste plus que le 1500m à accomplir ?
Jean

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 Sujet du message: Re: Entretien avec Philippe Moës (interview N°4)
MessagePosté: 22 Août 2020, 21:59 

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Bonsoir François et jean. Merci pour vos commentaires et réflexions.

François, concernant la question sur le "félicitations" ou "merci": c'est en tous les cas merci, car la gratitude est pour moi un élément clé dans l'existence. Cela étant dit, quand je réalise un paysage animalier qui me plaît, 9 fois sur 10 il est "préparé", dans le sens où je vais à tel endroit à telle heure, avec telle météo et tel angle parceque je crois ou espère réaliser tel genre d'image. Je ne pars d'ailleurs pratiquement jamais au hasard mais toujours avec une idée en tête (souvent précise), même si bien sûr -et heureusement- il y a régulièrement des surprises, mais alors généralement pas en termes de paysages animaliers, plutôt en termes de rencontres fortuites ou de comportements particuliers.

Jean , ta question me faut rire :haha: A vrai dire, il y a toujours 1000 choses à apprendre et rien que sur le cerf par exemple, j'ai encore bien des "fantasmes" à assouvir et connaissances à acquérir ! C'est la dure loi des territoires libres et (intensément) chassés de nos régions... Je dirais donc que je suis, peut-être, à la fin de la 1ère journée ;)


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 Sujet du message: Re: Entretien avec Philippe Moës (interview N°4)
MessagePosté: 23 Août 2020, 11:29 
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Merci pour ta réponse Philippe :biere:

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 Sujet du message: Re: Entretien avec Philippe Moës (interview N°4)
MessagePosté: 23 Août 2020, 18:03 
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Bonjour, j'apprécie ta façon de voir les choses. C'est vrai que lorsque l'on commence à s'intéresser à un domaine (ou à plusieurs à la fois), on se rend vite compte de la grande ignorance dont on fait preuve. Et quand on a des certitudes il y a toujours le contre exemple qui nous arrive! Pour ma part qui n'ai pas fait le tour de la question photographique, j'en suis encore aux plans un peu serrés mais je ne doute pas que je viendrai aux plans plus larges.

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 Sujet du message: Re: Entretien avec Philippe Moës (interview N°4)
MessagePosté: 23 Août 2020, 18:50 
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Bonjour Philippe et merci d'avoir pris le temps de répondre à cet entretien fort intéressant.

Dans tes réponses comme dans tes images on sent cette recherche visant à capter l'intégralité de ce qui fait une "scène" naturaliste, c'est un point de vue que j'ai découvert il y'a peu et qui a véritablement questionné ma façon d'aimer une image, ou plutôt qui l'a élargie dirait-on. Je trouve que ce style peut transmettre une émotion si particulière... ce réalisme qui me donne l'impression de vivre la scène dont je ne fais pourtant qu'observer la restitution, en opposition au portrait serré qui permet d'admirer un sujet sous toutes ses coutures et attitudes mais qui ne me transmet pas cette immersion si particulière.

J'espère que parcourir ta galerie, et à l'occasion pourquoi pas me procurer un de tes livres, me donneront l'inspiration pour à mon tour me lancer dans cette démarche photographique qui doit être un plaisir à réaliser !

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 Sujet du message: Re: Entretien avec Philippe Moës (interview N°4)
MessagePosté: 26 Août 2020, 20:41 
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Matériel: Nikon - Nikkor Sigma - Tamron
Localisation: Alpes Maritimes
Bonsoir Philippe

J'ai laissé volontairement une question de côté si j'ose dire...

J'ai lu quelques fois que tu relates des dictons, croyances, culture, liés aux amérindiens. Je suis moi aussi très "incliné" voir influencé par cette culture. Est elle pour toi une source de réflexion qui pourrait te mener à photographier différemment ?

Philip :biere:

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 Sujet du message: Re: Entretien avec Philippe Moës (interview N°4)
MessagePosté: 27 Août 2020, 17:22 
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Localisation: 29 N
Bonjour Philippe,

J'ai beaucoup aimé cet entretien, et la pensée qui le sous-tend, tout comme les images lumineuses qui l'illustrent.

En te lisant, et pour enchaîner avec les propos tenus juste au dessus par Philip (que je remercie une fois encore pour avoir eu l'idée de cette rubrique), je pensais justement te parler de la parabole amérindienne que tu cites, également reprise dans un livre de Baptiste Morizot dont je viens juste de terminer la lecture ("manières d'être vivant"), sur la base de laquelle il s'appuie pour développer ses arguments en faveur d'une autre manière de percevoir les êtres vivants (y compris, pour les humains, de se percevoir).
Etait-ce une lecture commune?

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Amicalement
Joëlle


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 Sujet du message: Re: Entretien avec Philippe Moës (interview N°4)
MessagePosté: 27 Août 2020, 20:41 

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Bonsoir Joëlle et Philip,
Il est vrai que la culture Amérindienne me touche depuis longtemps, soit par la force prophétique de certains textes (voir e.a l'extraordinaire allocution du chef Seattle, qu'on pourrait croire écrit en 2020...), soit par le respect qu'elle transpire envers la Nature et une forme de sagesse qui y puise sa force. Par contre j'y vois peu de liens directs avec les images que je réalise (à part quelques exceptions), mais plutôt avec une certaine manière d'aborder la nature. Le peuple San aussi (Bushmen, Kalahari), présente certaines similitudes culturelles, mais malheureusement n'a pas laissé de traces autres que des dessins et gravures car utilise la tradition orale (la plus vielle de l'humanité semblerait-il d'ailleurs).
En passant, si vous aimez la culture amérindienne, je vous recommande le livre "Comme des ombres sur la Terre", de James Welsh (Amérindien): peut-être le roman (basé sur la réalité) qui m'a le plus marqué (avec "la dernière harde" de Maurice Genevoix)
Belle soirée !
Bien cordialement,
Philippe


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 Sujet du message: Re: Entretien avec Philippe Moës (interview N°4)
MessagePosté: 29 Août 2020, 20:36 
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Merci Philippe. Deux livres, deux expériences très différentes pour moi.
Ta réponse me conforte dans l'idée qu'il y a bien des façons de "lire" la culture amérindienne. Pour moi qui suis imprégné depuis de longues années de cette culture c'est la transposition de croyances à notre perception cartésienne du vivant qui m'inspire le plus dans ma recherche créative. Cherchant dans les "signes" une source de réponse à ma quette du beau. Trouvant dans les manifestations du vivant la force de croire que ce que nous captons a une importance de "ruissellement" sur les consciences de ceux qui viendront visionner nos images à l'avenir. à savoir que bien plus qu'une image, c'est notre esprit qui impacte notre environnement.

merci pour cette réponse.

Philip :biere:

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 Sujet du message: Re: Entretien avec Philippe Moës (interview N°4)
MessagePosté: 29 Août 2020, 20:47 
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Jorel a écrit:
Trouvant dans les manifestations du vivant la force de croire que ce que nous captons a une importance de "ruissellement" sur les consciences de ceux qui viendront visionner nos images à l'avenir, à savoir que bien plus qu'une image, c'est notre esprit qui impacte notre environnement.
Tout à fait d'accord avec ce que tu viens d'écrire Philip. Je me permettrai juste d'ajouter, que c'est en côtoyant ces manifestations du vivant que nous sommes en mesure de parvenir à nous fondre dans notre environnement, sans vouloir influer sur lui de quelque manière que ce soit.

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 Sujet du message: Re: Entretien avec Philippe Moës (interview N°4)
MessagePosté: 20 Octobre 2020, 18:08 

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Je ne connaissais pas ce photographe, merci pour l'interview intéressante.
Ces photos sont magnifiques.

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