Il y a longtemps que les expressions "Tête de linotte" ou "Cervelle de moineau" ont fait long feu.... Plusieurs études montrent que les oiseaux sont très loin de ces bêtes stupides qui ne font les choses qu'à l'instinct.

Certes les oiseaux ont de tous petits cerveaux, c'est évident. Par exemple celui de la corneille a la taille d'une noix. Mais cet état de fait doit être regardé de plus près.
Chez les mammifères le cortex est impliqué dans les fonctions cognitives dites supérieures comme les perceptions sensorielles, le raisonnement spatial, la conscience ou encore le langage.
Chez les oiseaux, le cortex n'existe pas, c'est le Pallium. Dans cette partie frontale du cerveau des oiseaux on trouve par exemple 60 000 neurones/mm² chez le pigeon et chez le corbeau 180 000 neurones et ...... 100 000 neurones/mm² dans le néocortex de l'homme. Autre exemple, un perroquet en a autant qu'un petit primate. Donc plus petit mais beaucoup plus dense !
Un autre détail intéressant c'est la taille très importante du cervelet qui est le centre de la motricité. On comprend mieux comment un martinet noir arrive à rentrer dans un trou de 6cm de diamètre en volant, mais aujourd'hui c'est un peu hors sujet.

Etudes émanant de l’université Vanderbilt (États-Unis), dont l'une des scientifiques, Suzana Herculano-Houzel, a collaboré avec une équipe tchèque de l'université Charles, à Prague, pour cette surprenante étude, publiée dans les Pnas.



1 - Un roitelet a 2,3 fois plus de neurones qu'une souris qui pèse 9 fois plus, alors pourquoi ?
Les chercheurs retiennent deux hypothèses. La première, technique, est que cette stratégie fait gagner du poids, conduisant à un cerveau de masse plus faible à performances égales, un avantage pour le vol. La seconde, historique, est liée à l'évolution. Les ancêtres des oiseaux et ceux des mammifères auraient simplement exploité deux méthodes différentes pour améliorer leur puissance cérébrale.
Tichodrome échelette - France


2 - On a observé au Pays de Galles un macareux moine se lisser les plumes avec un bout de bois. Et en Islande la même observation a été faite également sur un macareux mais cette fois à l'aide d'une caméra fixe.
Bien que relativement rare, l’usage d’outils chez les oiseaux est plus répandu qu’on pourrait le penser. Levebvre et al. (2002) ont repéré plus de 100 cas possibles chez 104 espèces dans la littérature.
Macareux moine - Norvège


3 - Dans une des fables d'Ésope (VIᵉ siècle av. J.-C), "la corneille et la cruche", l'écrivain décrit comment une corneille, dans une région très aride, fait monter le niveau de l'eau au fond d'une cruche avec des cailloux pour atteindre l'eau et pouvoir boire. L'expérience a été reproduite en laboratoire et effectivement la corneille "assoiffée" a réussi le test. De plus elle a sélectionné les cailloux les plus gros qu'elle pouvait transporter pour être plus efficace et ne prenait pas les matériaux flottants.
Corneille du Cap - Ethiopie


4 - En Afrique, il existe une famille d'oiseaux qu'on nomme en français les "Indicateurs" et en anglais les "Honeyguide". Ces oiseaux arrivent à digérer la cire produit par les hyménoptères dont ils sont friands. Pour l'anecdote, les premiers a avoir remarqué ce régime sont les missionnaires portugais qui voyaient ces oiseaux manger les cierges des églises fait à l'époque en cire.
Dans la nature, ces oiseaux ne sont pas assez puissants pour déterrer les essaims. Du coup ils font appel, en les guidant, aux ratels (mammifère qui ressemble à un blaireau) qui fait le plus gros du travail en lui laissant toujours assez de miettes pour être rassasié. Le grand indicateur va plus loin puisqu'il guide les humains vers les essaims d'abeilles qui récoltent le miel et laissent toujours la récompense à l'oiseau. Pas bête notre oiseau n'est ce pas ?
https://www.dailymotion.com/video/x4pa02h
Petit indicateur - Afrique du sud


5 - Pas mal d'oiseaux cachent la nourriture. Nous connaissons les cassenoix moucheté mais aussi les corbeaux freux, les geais etc.... Les caches sont souvent très nombreuses et dans des endroits très diversifiés ce qui implique une mémoire des lieux extrêmement développée même si il y a des loupés.
Au Canada des scientifiques ont fait des observations très surprenantes qui démontrent que ces oiseaux ont aussi une importante mémoire temporelle puisqu'ils cachent des denrées périssables et qu'ils sont capables d'aller les chercher avant qu'elles ne pourrissent. Les geais bleus cachent des vers qui périssent au bout de 5 à 6 jours et ils vont les récupérer en moyenne 4 à 5h00 avant.
Geai bleu - Canada


6 - Les étourneaux qui se reproduisent en Hollande migrent en prenant une direction SW, ce qui les mènent en Normandie et en Bretagne. Un scientifique hollandais a capturé et bagué des dizaines d'oiseaux (jeunes de l'année et adultes) et il les a mené en Suisse. Les jeunes se sont retrouvés en Aquitaine et les adultes ont rectifié la trajectoire et se sont retrouvés en Normandie et en Bretagne. Preuve d'un apprentissage pour les jeunes et d'une mémoire des lieux efficace et des facultés très développées d'orientation pour les adultes.
Etourneau sansonnet - France


7 - Les grues migrent souvent en groupes familiaux. Il a été observé qu'un jeune de l'année (grue cendrée) a quitté la formation et a été contraint de se poser sûrement à cause de la fatigue. Les observateurs ont constaté que la famille du jeune en difficulté a également quitté la formation pour le rejoindre..... On peut supposer qu'il y a une forme d'empathie chez les oiseaux ? Ne pas laisser seul un individu, le soutenir, l'aider. Très humain comme réaction n'est ce pas ? Quoi que pas mal d'humains n'en ont pas une once...
Grue royale - Ouganda


8 - Lorsque les corbeaux se combattent il a été observé plusieurs fois que les individus de son groupe allaient "consoler" le perdant....
Grand corbeau - Ile de Fuerteventura


9 - De l'empathie, de la conscience, pourquoi pas ? D'après Maxime Zucca les oiseaux sont conscient par exemple quand leur fin arrive. Pourquoi ne trouve t-on pas beaucoup d'oiseaux morts "de vieillesse" ? Ils vont sûrement se retirer dans de profonds buissons ou dans d'épaisses frondaisons pour leurs derniers soupirs pour être aussi rares.
Fauvette passerinette - Sénégal


10 - Les non-passereaux comme les cormorans, les buses ou les pingouins n'apprennent pas leur chant, ils sont innés. Les autres l'apprennent dès leur plus jeune age. Soit l'apprentissage se fait par le mâle (ou les deux parents si se sont deux chanteurs), par des tuteurs ou/et avec les chants qui entourent l'individu.
Aigle huppard - Ouganda


11 - Les passereaux qui apprennent leurs chants ont d'ailleurs beaucoup plus de neurones. Il y a beaucoup de choses à dire à ce sujet, beaucoup trop.... Mais il faut retenir entre autres que les oiseaux ont des "accents" en fonction de l'endroit où ils font leur apprentissage (très facile à vérifier sur Xeno-canto). Et que les femelles recherchent les chants les plus complexes surtout chez les imitateurs comme la rousserolle verderolle, la fauvette à tête noire ou la mésange charbonnière.
Mais ce chant est épuisant, il n'y a qu'à regarder un rougegorge chanter, tout son petit corps trésaille. C'est pour cette raison que les chants s'entendent beaucoup plus le matin et le soir. Les bruits parasites sont moindres, il y a souvent peu ou pas de vent et donc un rendement beaucoup plus important.
Couturière à longue queue - Cambodge


12 - Et pour finir il y a les cris d'alarme qui sont à peu près une quinzaine chez les passereaux. Ils sont différents si c'est pour un épervier, une buse ou un mammifère. Bref les menaces qu'elles viennent des airs ou du sol sont codifiées chez nos petits amis emplumés. Une expérience a été mené dans une université aux Etats Unis. Des étudiants allaient volontairement déranger un nid de Moqueur chat. Lorsque ces mêmes étudiants revenaient (habillés différemment) près du nid les oiseaux alarmaient alors qu'avec d'autres étudiants ils ne réagissaient pas. Preuve d'une reconnaissance faciale alors que nous, nous sommes souvent incapables de reconnaitre des individus d'une même espèce si ils n'ont pas d'usures ou d'anomalies.
Est-il encore nécessaire de dire qu'ils ont de la ressource à revendre ? Et nous sommes très loin de tout savoir sur eux.....
Tisserin noir - Ghana


Voilà pour ce très modeste reportage qui peut donner envie d'approfondir la chose. Je vous dis à bientôt

Très modeste reportage, très modeste reportage, c'est toi qui est modeste....

Une lecture intéressante assortie de très belles photos. J'avais lu plusieurs cas concernant le corbeau, entre autre, et effectivement, il fait preuve d'une imagination pour se sortir de certaines situations qui force à se poser des questions.

Salut Robert
Quel coïncidence! j'ai écouté sur France Inter samedi une émission sur ce thème avec Maxime Zucca et un autre intervenant dont j'ai oublié le nom, comme invités. Et qui donnaient comme exemples les mêmes que ceux que tu donnes. C'est ce qui s'appelle être dans l'air du temps Pour moi, la question ne s'est jamais posée, même si je n'avais rien de scientifique à proposer.

Toujours très bien documentés tes reportages, tant au niveau du texte que des photos.

Un reportage très intéressant et instructif, accompagné d'une iconographie au top ! Le grand voyageur-photographe que tu es nous gâte, mais je fond devant les grues royales que j'ai eu le bonheur de voir dans le Ngorongoro

Robert,

Tu restes fidèle à ta démarche......si tu n'es pas sur le terrain tu te plonges dans les bouquins et ta riche photothèque en mettant ton sens du partage au bénéfice de tous ceux qui restent curieux...
De plus tu conjugues parfaitement l'image et la prose
Chapeau l'ami !!!
A titre personnel les grues royales ou l'aigle huppard me rappellent de très bons souvenirs......a l’exception du guide

François

Excellent, j'adore...
Des choses que je savait déjà mais d'autres que je ne connaissais pas.
Vraiment incroyable et on est loin de tout savoir.
Très bon travail et que dire des photos.
Juste superbe, j'admire

Texte très intéressant et images remarquables.

François

On commence en effet à prendre conscience des "différentes manières d'être vivant" pour reprendre le titre d'un livre de Baptiste Morizot que je suis en train de lire en ce moment et ton reportage en cite un certain nombre d'exemples, qui montrent d'ailleurs que beaucoup sont semblables aux nôtres, illustrés par de magnifiques images! Merci à toi, Robert!

Très instructif reportage illustré (illustré de la plus belle manière d'ailleurs ) je me sens indéniablement plus instruit au terme de cette lecture !

Encore une fois un fil d'un grand intérêt, autant par le texte que par l'image

Alain

+1, un reportage de qualité très appréciable, merci du partage

Merci pour ce reportage avec photos et informations au TOP.

l’iconographie est remarquable, tu as de bonnes lectures! et tu sais en restituer l'essence, tu aurais du être enseignant

Des observations et expériences que je connaissais pour la plupart a travers mes lectures. Mais une piqure de rappel fait toujours du bien surtout quand elle est accompagné de si belles photographies et puis cela peut donner comme tu le dis, l'envie aux autres membres d'approfondir le sujet.
Bravo et merci pour ta constance a élever le niveau de ce forum qui te doit beaucoup.
Dom

Il ne reste plus qu'à Jacques (ou un autre spécialiste, courageux) à nous faire le même type de reportage avec les fleurs
Dominique

Ma réponse est OUI, je n'en ai jamais douté!

Mais tes explications super bien documentées me confortent

C'est vrai que tu apportes beaucoup à ce forum, tant par tes analyses que par la grande classe de tes photos

Quand je vois comment évolue notre monde, j'ai par contre des doutes sur l'intelligence collective de notre espèce