Le statut de l’Étourneau roselin en Europe de l’Ouest (et en France)

L’Étourneau roselin est une espèce occasionnelle en France et plus largement en Europe de l’Ouest. On note deux « pics » de données : de la fin mai à la fin juin, qui concerne surtout des adultes et des oiseaux de premier été, et de septembre à novembre, qui implique plutôt des jeunes.
L’observation d’un adulte est toujours un événement : le 3 juin 2017, un individu découvert dans un jardin de Larchcroft Close à Ipswich (Grande-Bretagne) a ainsi attiré près de 200 observateurs ! En mai 2012, un groupe de 33 oiseaux a été observé près de Lotzaria et de la rivière Tsiknias sur l’île grecque de Lesbos (lire Pourquoi visiter l’île de Lesbos ?).
En France, les observations sont majoritairement réparties à l’ouest d’une ligne reliant le Finistère et le Var (voir une synthèse de données depuis 2012 dans notre rubrique Observations). Des immatures isolés sont vus pratiquement chaque automne sur les îles de la côte atlantique, comme celle d’Yeu en Vendée (lire Observer les oiseaux sur l’île d’Yeu) et d’Ouessant dans le Finistère (lire Jean-Philippe Siblet et les oiseaux d’Ouessant). Deux mâles et une femelle adultes avaient été trouvés à Lardier-et-Valença (Hautes-Alpes) le 3 juin 2012, mais ce n’est » rien » par rapport aux invasions de 2001 et 2002, au cours desquelles des groupes de plus de dix oiseaux avaient été signalés dans le sud de la France (voir plus bas).

Les invasions en Europe de l’Ouest

La limite occidentale de son aire de distribution « normale » se situe dans les steppes d’Ukraine (lire La Crimée : des steppes, des lagunes, des montagnes et des oiseaux) et de Russie, et il niche assez régulièrement dans la Dobroudja roumaine, mais certains printemps, des milliers d’oiseaux peuvent atteindre de vastes secteurs dans le sud-est et l’est de l’Europe, et des couples peuvent parfois nicher suite à ces arrivées massives.
Ce phénomène se produit en moyenne tous les huit à dix ans, parfois aussi plusieurs printemps de suite (cas de 2000, 2001, 2002, 2003 et 2012). Il serait lié à une forte augmentation locale des populations de criquets migrateurs : en effet, la reproduction de ce passereau est liée à l’éclosion de ces insectes, qui servent à la nourriture des poussins. Mais suite à des campagnes de traitement chimique dans les steppes du sud de la Russie et d’Asie centrale, les arrivées importantes d’Étourneaux roselins en Europe auraient tendance à s’espacer. Pourtant, un adulte peut manger 120 à 180 orthoptères par jour : pour contrôler de façon biologique et économique les populations de criquets, des nichoirs ont été installés en grand nombre dans la région désertique chinoise du Xinjiang.
Même en l’absence d’invasions, des oiseaux isolés peuvent atteindre l’ouest de l’Europe à la fin du printemps, peut-être selon le phénomène du dépassement ou « overshooting » (lire notre article Comment arrivent les oiseaux rares ?) : ils continuent leur migration au-delà que la limite de leur aire normale de reproduction.
Comme pour d’autres espèces erratiques (lire Le nomadisme des alouettes désertiques : un exemple en Tunisie), la philopatrie (= fidélité au site de reproduction) de l’Étourneau roselin est faible : une fois qu’ils ont quitté leur nid (généralement en juillet), les jeunes se dispersent rapidement et sur de grandes distances.

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Certaines années, principalement entre le 20 mai et le début du mois de juin, on assiste à des invasions au-delà de l’aire de répartition habituelle de l’espèce : cela a été particulièrement le cas au cours du printemps 2020 : des milliers d’Étourneaux roselins ont été signalés en Europe occidentale en mai et en juin, certainement suite à d’importantes invasions de criquets et à des conditions météorologiques favorables pourraient expliquer cette nouvelle arrivée.
Suite à ces invasions, de nombreux couples peuvent nicher en Europe orientale, principalement dans des carrières en Roumanie et en Bulgarie (lire Le cas intéressant d’une colonie d’Etourneaux roselins en Bulgarie), mais très rarement à l’ouest de la Hongrie. En Italie, on recense sept cas de reproduction : un dans le Piémont au milieu des années 1800, deux en Toscane (en 1740 et en 1899) et quatre en Vénétie (une femelle prêt à pondre a été capturée dans la province de Vérone en 1840, un nid a été trouvé à Recoaro en 1873, une colonie de 6 000 à 7 000 couples s’est installée à Villafranca di Verona en 1875 suite à une invasion de criquets, et 2 300 couples ont niché à Villafranca di Verona et à Valeggio sul Mincio en 1908).
Aucun cas de nidification n’avait été signalé jusqu’à présent en France, mais pour la première fois cette année, l’espèce s’est reproduite dans l’hexagone : selon le site web Birdguides.com, environ 20 couples (15 nids actifs) ont niché en juin dans un ancien bâtiment (probablement un mas ou une bergerie) dans le département des Alpes-de-Haute-Provence, peut-être sur le plateau de Valensole, où jusqu’à 45 oiseaux avaient été comptés le 12 juin et 25 le 14 juin près du lieu-dit La Moutonne (voir notre synthèse d’observations récentes en France). Les premiers mâles chanteurs seraient arrivés le 9 juin, et au moins 15 jeunes seraient nés.

Cette nidification exceptionnelle est une conséquence de l’afflux exceptionnelle du printemps 2020, qui a également touché la France (au moins 1 500 oiseaux seraient arrivés dans le pays). Il serait intéressant de savoir si l’espèce a également niché cette année en Italie, pour la huitième fois.

Aire de répartition de l’Étourneau roselin (Pastor roseus) en Europe (en rouge) et limites de l’invasion exceptionnelle de 2002 (pointillés orange) et d’une invasion « classique » (pointillés rouges).


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