Bien que les mésanges fassent partie des passereaux qui nous sont très familiers, il a fallu attendre des études éthologiques pour démontrer qu’elles révèlent des traits de personnalité (Andrew et al., 2007 ; Colchester et al., 2016 ; Fidler et al., 2007 ; Nehafta et al., 2019). La notion de personnalité, communément utilisée en psychologie, a mis du temps avant de s’imposer dans la littérature sur le comportement animal, en partie parce qu’elle a longtemps été considérée comme imprégnée d’anthropomorphisme mais aussi parce que l’intérêt pour l’étude des différences interindividuelles dans les comportements animaux est relativement récent. Pour rappel, la notion de personnalité désigne des différences interindividuelles relativement stables de tendances comportementales dans le domaine affectif résultant de l’interaction entre des facteurs génétiques et environnementaux. Par exemple, des travaux effectués chez diverses espèces de mammifères et d’oiseaux ont montré des différences interindividuelles stables dans des comportements liés à la recherche de nouveauté et à la prise de risque (comportement exploratoire d’un environnement nouveau) ainsi que pour la néophobie (tendance à l’évitement de la nouveauté). Ces différences interindividuelles peuvent être facilement observées par tout un chacun lorsque, par exemple, certaines Mésanges charbonnières sont plus promptes que d’autres à venir se poser sur la main d’une personne sur laquelle se trouvent des graines de tournesol.

1, 2 et 3

3

Des études menées chez des populations naturelles de Mésange charbonnière (considérée comme un bon modèle dans les études de génétique comportementale) ont révélé des corrélations génétiques (variant de 0.22 à 0.61 selon les travaux) pour rendre compte de traits de personnalité comme le comportement exploratoire et de prise de risque (ce qui suggère que les facteurs environnementaux contribueraient à expliquer aussi une part significative des différences interindividuelles) (Oers et al., 2004). Grâce au développement des techniques de biologie moléculaire, on est parvenu à identifier des polymorphismes génétiques (un gène existe sous la forme de plusieurs versions/variants appelés allèles au sein d’une population) concernant, en particulier, des gènes qui ont été associés à des variations de traits de personnalité chez l’humain (e.g. gène du récepteur D4 de la dopamine). La dopamine, pour rappel, est un neurotransmetteur du circuit de la récompense impliqué dans les motivations biologiques et sociales. Il existerait donc un lien évolutif entre des séquences génétiques présentes chez l’humain et la Mésange (qualifié d’orthologie par les spécialistes). Plus récemment, une équipe espagnole (Riyahi et al., 2015) a établi chez la Mésange charbonnière que le lien entre trait de personnalité et polymorphisme génétique du transporteur de la sérotonine (un neurotransmetteur impliqué, par exemple, dans l’anxiété; le transporteur est une protéine qui transporte le neurotransmetteur de l'espace synaptique à l'espace présynaptique) était modulé par des facteurs environnementaux via des modifications épigénétiques (l’épigénétique est la discipline qui étudie les modifications de l’expression des gènes sans qu’il y ait altération des séquences de l’ADN). Ces chercheurs ont pu montrer que des différences de traits de personnalité (telle que la recherche de nouveauté) entre des mésanges « urbaines » et des mésanges forestières étaient associées à des modifications épigénétiques sur des variants génétiques du récepteur de la sérotonine : les mésanges de milieu urbain étaient plus nombreuses à explorer des objets nouveaux que les mésanges de milieu forestier et ce trait de personnalité était lié à la présence d’une hyperméthylation (une réaction chimique qui consiste en l’ajout de marques méthyle CH3 sur l’ADN) d’un variant du gène qui code pour le récepteur de la sérotonine. Les auteurs de l’étude avancent l’hypothèse (en lien avec d’autres travaux) que les influences épigénétiques, en régulant l’expression du gène qui code pour le récepteur de la sérotonine, favorisent l’adaptation locale à de nouvelles conditions environnementales et à l’urbanisation.

Pour ceux qui souhaiteraient à savoir plus, deux articles parmi ceux que j’ai cités.

Fidler A.E. et al. Drd4 gene polymorphisms are associated with personality variation in a passerin bird, Proceedings of the Royal Society London B, 2 May 2007
Riyahi, S. et al. (2015) Combined epigenetic and intraspecific variation of the DRD4 and SERT genes influence novelty seeking behavior in great tit Parus major, Epigenetics, 10:6, 516-525.

4

Tu nous présentes là, Robert, de façon claire et pédagogique un sujet passionnant et novateur! Je m'abonne!

Oup's! j'ai été trop vite! (je pensais que tu traitais le sujet en plusieurs épisodes!)

5
6

8

9

10

Pour terminer ce fil.

Super !!!
Merci Robert pour ce reportage passionnant, je n'avais jamais entendu parler de ces études si étonnantes

Un topo pointu comme le bec des belles mésanges, illustré par des images splendides !

Très belle collection d'images de mésanges !
Texte intéressant : y aura-t-il une suite ?

François

C'est un peu ardu à lire à 23h46 avant d'aller se coucher , mais je pense que je reprendrai cela demain matin. En tous les cas les images sont très belles.

J'ai lu un truc comme çà l'année dernière dans "Le génie des oiseaux". Nous avons les mêmes sources ? En tout cas belles images

j'ai mal à la tête en tous cas les photos sont super...

Alain