Une fois encore, ton œil expert nous sert de guide pour repérer les détails qui font la différence !
Tout devient plus clair lorsque c'est présenté de manière si didactique.
On ne pourra plus dire que tous les gomphes sont "semblables".

Merci pour tous ces commentaires sympas, Jean, Jacques, Joëlle, Philip, Chris32, Robert, Christine, Jacki, Gaël, JeanMi et Jaseur ! Merci à tous les visiteurs !

Retour aux bleus et noirs ! Souvenez-vous des Orthetrum : quatre espèces fréquentent donc nos climats (mais est-ce que ça va durer ?), je vous avais présenté O. brunneum et O. coerulescens, tous deux à l'abdomen entièrement bleu, voici aujourd'hui comment identifier Orthetrum albistylum, O. à stylets blancs, et Orthetrum cancellatum, O. réticulé, qui eux ont l'abdomen bleu à extrêmité noire.
Notons que cette couleur bleue n'est pas un pigment, mais une pruinosité, venant à maturité aux mâles, qui sont dans leur jeune âge de la même teinte plus ou moins jaune que les femelles. Les manuels donnent la pruinosité bleue de O. albistylum plus claire et délavée, mais comme cette teinte varie avec l'âge, cette caractéristique est plutôt aléatoire.

Commençons par les mâles, voici Orthetrum cancellatum.
4 caractères sont à prendre en compte :
1 - Ptérostigmas noirs et petits,
2 - Thorax de couleur quasi uniforme,
3 - Abdomen relativement large, et séparation diffuse entre le noir et le bleu,
4 - Appendices anaux noirs.


Nous retrouvons ces critères sur l'image de profil suivante (il n'a pas été dévoré par le Tetragnathe !) :


Sur le sujet âgé ci-dessous, la pruinosité bleue à presque disparu, notamment à cause du frottement des pattes des femelles lors de l'accouplement (en haut de l'abdomen).


Voyons un mâle O. albistylum :
1 - Ptérostigmas noirs et plus grands,
2 - Thorax marqué d'une ligne médiane plus claire sur le dessus, s'étendant jusqu'entre les ailes, et de deux bandes claires sur les côtés,
3 - Abdomen plus fin, et nette séparation entre le noir et le bleu, ici le sujet est jeune, le bleu recouvre à peine l'ancienne pigmentation.
4 - Appendices anaux blancs. Ce sont eux qui donnent son nom à l'espèce (albistylum = à stylets blancs). Mais ce serait trop simple : ce caractère qui à lui seul peut assurer l'identification, est parfois chez les mâles plus ou moins prononcé, voir absent.


Sur la vue ci-dessous, il est réduit à un simple point, et sur la vue suivante encore moins visible. Mais d'autres caractères restent exploitables, comme les marques thoraciques claires bien visibles, et la nette délimitation du bleu et du noir. Encore une fois, ne pas craindre de multiplier les critères pour assurer le coup !



Et concernant les femelles ? Eh bien youpie ! Les caractères évoqués plus haut restent valables, sauf la couleur bleue bien sûr, mais cette option est remplacée par une autre ! Voyons cela :

Orthetrum cancellatum femelle :
1 - Ptérostigmas noirs et petits,
2 - Thorax de couleur quasi uniforme,
3 - Abdomen plutôt large, jaune vif avec bandes noires relativement rectilignes,
4 - Appendices anaux clairs, mais dernier segment abdominal jaune et noir.


Caractères que l'on retrouve chez la femelle mature ci-dessous, le jaune éclatant de l'abdomen se ternit avec l'âge, et chez ce sujet les bandes noires sont particulièrement marquées.


Idem pour l'image ci-dessous. Vous avez sans doute noté des scènes de prédation sur plusieurs images. Il faut dire que ces deux espèces, et particulièrement O. cancellatum, et surtout les femelles, sont actives dans ce domaine. Les mâles en surveillant leur territoire se contentent d'attraper ce qui passe à portée, alors que les femelles qui restent à l'écart de l'eau sont de redoutables chasseresses.


Examinons les femelles O. albistylum :
1 - Ptérostigmas noirs et allongés,
2 - Thorax marqué d'une ligne médiane plus claire sur le dessus, s'étendant jusqu'entre les ailes, et de deux bandes claires sur les côtés, comme les mâles,
3 - Abdomen assez étroit, plus beige que jaune avec bandes noires de formes arquées,
4 - Non seulement appendices anaux blancs, mais dernier segment abdominal (S 10) est blanc lui aussi. Ce caractère permanent à lui seul suffit à départager les femelles des deux espèces.


Voyons une femelle plus agée, voire très âgée au vu de ses ailes :
L'abdomen est devenu kaki, mais on y retrouve les vagues noires, ainsi que les marques claires du thorax, et bien sûr S 10 blanc ainsi que les appendices anaux.


Et cette autre femelle, boulottant un jeune Sympetrum, d'identifie par ses marques claires du thorax.


Et c'est tout ! En résumé Orthetrum albistylum s'identifie par son extrêmité blanche, avec prudence pour les mâles, à 100 % pour les femelles, sachant que celles-ci en vieillissant changent de couleurs.
A une prochaine fois !

Un guide orthétrum vraiment complet. Chez moi il y a peu de albistylum mais cette nervure centrale permet de vite repérer la bestiole car la terminaison blanche n'est pas toujours visible du premier coup.
..

Encore une excellente mise à jour qui me sera sans doute utile le moment venu

C'est, une fois encore, limpide et instructif, Mô, en textes comme en images, ces dernières, de surcroit, cerise sur le gateau, sont superbes!

Super : clair et complet
Entre Robert et Mô, on a 2 sacrés bons profs !!!

Toujours intéressants ces critères de reconnaissance...par contre sur le terrain c'est pas toujours évident...

Alain

Encore une mise à jour trés pédagogique et tout aussi esthétique
Désormais quand j'aurai des doutes je sais à qui m'adresser

François

Toujours aussi complet et vraiment bien expliqué. Bravo

Une autre pierre s'ajoute à ton édifice pédagogique, pour notre plus grand plaisir !
Comme d'habitude c'est clair et bien illustré, parfait pour nous livrer les clés de l'identification.

Parfaitement illustré (mieux que dans certaines éditions) et techniquement parlant assez facile de compréhension.

Des descriptions précises et instructives illustrées de jolies images.


Robert

Deux ou trois lignes de pour cette somme de connaissances illustrée par des images de haute qualité.
Merci aussi car ceci me sera très utile un jour ou l'autre.
Je me suis déjà frotté aux Calopterix ainsi qu'à l'anax napolitain, mais j'en suis encore aux tout premiers pas.

Amitiés,

Patrick

Jacques, Robert, Joëlle, Jean, Alain, François, Gaël, Jaseur, Philip, Robert Robsou, Patrick : merci pour vos retours et appréciations !

Aujourd'hui nous allons quitter les cas classiques d'une identification entre deux espèces pour une identification intraspécifique, plus précisément entre les différentes formes (ou types) que prennent les femelles Ischnura elegans.

Réglons d'abord le cas des mâles, qui s'identifient facilement par rapport aux autres Demoiselles bleues : ptérostigmas bicolores, abdomen noir-bronze fin et délié, et surtout le huitème segment de l'abdomen (S8) entièrement bleu vif.
Ci-dessous un mâle immature, de couleur verte :


Ci-dessous un mâle adulte, de couleur bleue :


La seule difficulté peut venir d'une confusion avec Ischnura pumilio, Ischnure naine. Mais celle-ci comme son nom le laisse à penser est de plus petite taille (encore que certains sujets I. elegans ne soient guère plus grands…), mais surtout la tache bleue en extrêmité d'abdomen est à cheval sur S8 et S9. Photo ci-dessous, Ischnura pumilio mâle, avec comparatif extrêmité abdominale.



Pour les femelles, cela se complique un peu, et il faut considérer que les variations concernent les individus immatures, puis les matures.
D'abord les formes immatures, avec deux possibilités :

1. La forme violacea, avec des femelles d'un joli violet, ci-dessous.



2. La forme rufescens, avec des femelles roses.
On notera l'absence de la bande humérale noire sur le thorax, remplacée par une zone brunâtre, ci-dessous.


Voyons ce que vont donner ces deux formes à l'âge adulte.
La forme violacea donnera deux formes d'adultes :
- soit une forme androchrome, c’est-à-dire de la couleur bleue des mâles, ci-dessous en cœur copulatoire, la femelle est en bas.



- soit une forme verte, dite infuscans, ci-dessous.



La forme immature rufescens donnera une forme adulte, infuscans obsoleta, le rose devenant un brun verdâtre (kaki), avec toujours la bande humérale noire remplacée de brun, ci-dessous sujet isolé puis en cœur copulatoire. A remarquer un autre changement morphologique d'importance entre la jeune immature et l'adulte : l'abdomen perd de sa finesse, il faut bien faire place aux œufs !




A noter que la terminologie "latine" utilisée pour ces formes est parfois remplacée par une différenciation par "types", notamment dans le guide d'identification (la bible !) Delachaux par K.-D. B. Dijkstra. La forme violacea est dite alors immature de type A, qui donnera des adultes type A (bleues androchromes) ou de type B (forme verte). La forme rufescens est dite immature de type C, qui deviendra un adulte de type C brunâtre.

Les caractéristiques énoncées plus haut sont bien sûr sujettes à variations, notamment en raison du dégré de maturité.
Ci-dessous une femelle mature forme infuscans dont le vert s'est assombri.


Toujours concernant la maturité, deux images in copula ci-dessous qui illustrent bien que cette notion n'est pas intangible, avec ces deux couples dont les femelles, respectivement forme violacea et forme rufescens, sont définies théoriquement immatures. Mais il faut savoir que les mâles libellules ont ceci en commun avec certains producteurs ou réalisateurs de cinéma, c'est de sauter sur tout ce qui bouge… La couleur différente des immatures devrait pourtant être un signal inhibant la pulsion sexuelle des mâles, à moins que déjà les phéromones émises par les femelles soient actives… Quant à savoir si ces unions sont fertiles ou non...



Donc en résumé nous avons 2 formes immatures et 3 formes adultes, pour les femelles, auxquelles s'ajoutent les 2 formes des mâles, ce qui nous fait 7 possibilités, pas mal pour une seule espèce !
Voilà, c'est tout... pour aujourd'hui !

Toujours aussi beau, aussi bien et simplement expliqué, quoi de mieux !!!

Grand merci à toi pour ce superbe travail