Vivre à moitié c'est déjà vivre... mais à quel prix ?

Merci d'être venu sur le fil.

Bonsoir Jorel , cette photo est d'un naturel trés pur , sans artifices , c'est pour ça quelle me plait

Merci pour ce retour agréable

Trop souvent les photographes découvrent qu'ils ne sont pas à même de parler de leurs photographies. La difficulté tient à exprimer une émotion, celle qui devrait être pertinente et directrice d'une évidence photographique.

Peut être sont ils trop pudiques ou n'ont ils pas l'imagination pour entreprendre avec leurs images une sorte de rapprochement, de filiation qui leurs permettrait de "lire" ou de cheminer autrement pour argumenter leurs décisions de compositions, de lumières avant de déclencher.

Il ya bien sûr la recherche, la préparation, l'affût pour certains, l'approche pour d'autres. Mais il y a surtout une histoire entre la pratique et l'image une fois celle-ci captée. L'émotion est personnelle, intraduisible à l'état matériel, elle détermine chez le photographe un parcours qu'il se doit d'envisager pour suivre une pulsion créatrice. A ce moment il redoute le jugement des autres, il doute de sa capacité à traduire son émotion et l'histoire qu'il veut raconter. Toutes les histoires sont belles, toutes les photos sont belles à partir du moment ou ce que l'on a voulu d'une situation se réalise et se fixe, propose aux autres de remonter le temps photographique. Ce temps qu'il nous convient de maîtriser pour "signer" sa production d'images. Ce temps si fragile qui détient à lui seul, tout ou presque de nos échecs ou de nos satisfactions. Combien de "ratés", combien de désillusions, pour une demi seconde ?
Alors oui le temps nous échappe lorsqu'il faut raconter nos images, lorsqu'il faut traduire en quelques mots ce qui s'est passé en quelques secondes qui ont parues des minutes voir des heures par l'émotion qu'elles ont procuré.

Le plus beau des cadeaux que vous pouvez lui faire à lui, l'artisan du beau, reste la compréhension de son cheminent de création à travers sa composition, lui permettant de pouvoir vous raconter son histoire.
Une seule de vos remarques, un seul de vos échanges vaudra mille pouces levés...

Reste l'imagination, pour raconter ce que de simples mots ne peuvent porter à eux seuls, ne peuvent exhorter à suivre dans son art celui qui, par son image, l'a tant rêvé...

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Toutes les lumières du monde...

C'est un cri à peine audible qui l'a fait sursauter. Il se redresse, et d'un tour sur lui même veille à la sécurité de son abri.
Son clan est endormi , tous sont rassemblés au centre, concentrant leurs chaleurs au même endroit.

Rassemblant toute son énergie, il entreprend comme toutes les nuits, de sortir pour surveiller et protéger son lieu de vie. Alors qu'il descend vers son observatoire, il sait qu'il lui faut un peu de temps pour s'habituer au noir angoissant de la forêt qui l'entoure. Il sait l'importance du moindre signal, et, comme un félin le voilà devenu capteur de lumière, tous les sens en éveils, cherchant dans l'invisible à deviner et pressentir le danger.

Arrivé à sont point d'observation il ressent comme à chaque fois, lorsque le ciel est dégagé, l'envie de lever les yeux et ce faisant, de profiter d'un spectacle aujourd'hui devenu impossible. Sans la moindre pollution lumineuse, la voie lactée s'offre à lui. Figé, émerveillé par tant de beauté nuancée, capté par l'invraisemblance de la situation, il se perd et abandonne tout reflex de peur. La multitude d'étoiles est si perceptible, si "présente" qu'elle influence son jugement de profondeur et d'espace. Le voilà, la main tendue vers le ciel, tentant de "capturer" une luciole céleste.

Devant tant d'apparitions, il se pose bien avant nous, les questions que nous nous posons encore aujourd'hui. Depuis la nuit des temps, depuis que l'homme dispose d'un cerveau capable de pressentir qu'il n'est pas là par hasard, qu'il y a dans sa venue sur terre un message, une destinée qui nous échappe sans vraiment le contredire.

Comme lui nous somme pétris d'interrogations, de doutes. Chaque levé de soleil nous invite à vivre et à célébrer la vie, faisant naître en nous l'ultime sensibilité d'appartenir à un monde dont la partie connue représente si peu au vu de l'immensité restée sans réponse.

Comment imaginer que cet homme, année après année, siècle après siècle, a nourri l'espoir de créer le plus incroyable des appareils photo, la plus improbable machine à remonter le temps.

Muni du plus grand des capteurs, sensible à la moindre particule de lumière. Équipé du plus gigantesque téléobjectif jamais conçu, il atteint les confins de l'univers, les limites du néant pour fixer le moment ultime de la création.

Dans un déchirement titanesque, le noir doit consentir au partage de l'espace. la matière se fait poussière et à travers le temps sidéral parvient encore aujourd'hui jusqu'à nous.

La nuit est douce et notre néandertalien perçoit les prémices orangés d'une aube naissante. Alors qu'il revient vers sa grotte, il voit au dessus de son feu, une ombre virevolter et danser au dessus des flammes. Il s'approche et discerne une abeille qui, vraisemblablement attirée par cet îlot de lumière, s'efforce d'éviter la brûlure en préservant la chaleur.

Troublé, il esquisse un sourire. il vient de saisir l'importance de la lumière sur le vivant. Sa toute puissance créatrice de vie, son inaltérable don à magnifier les couleurs, à contourer les contrastes, et jouer avec les ombres. Les zébrures oranges, les poils distinctement visibles, les reflets noirs de ses yeux ne lui ont jamais paru aussi évident de présence, de beauté. Loin de s'interroger il comprend, imagine, devine les possibles.

Ce constat à l'état naturel, cette évidente réalité, nous la croisons à chaque sortie photographique. Nous sommes finalement des quêteurs de lumières, des dessinateurs d'ombres, de sculpteurs de contrastes. Ils nous semblent incontournable de "penser" notre prise de vue sans avoir mis en scène notre lumière.

Et s'il apparaît aujourd'hui facile de mesurer ses effets il nous incombe de nous rappeler ses origines, son parcours et ses finalités, pour entreprendre avec elle la plus belle des alliances pour entrevoir dans l'éphémères toutes les lumières du monde.

Un texte inspiré où notre Néandertalien, dans sa prescience concernant les multiples bienfaits de la lumière et toutes les merveilles qu'elle révèle, en vient même à abandonner "tout reflex de peur"! Tout cela illustré par une belle image, comme de coutume, Philip!

Très joli texte ! Tu nous parles d'un temps où les abeilles ne craignaient ni le feu ni la fumée... Le Neanderthalien d'un geste rapide captura l'abeille, la porta à sa bouche, se fit piquer la langue, et jura bien qu'on ne l'y prendrait plus... Superbe image, les scabieuses sont des supports de choix, pour les abeilles et les photographes...

Quelle plume...tu devrais écrire des bouquins sur ce coup là le texte est encore mieux que l'image...

Alain

+1

La première partie du texte est d'une vérité, d'une réalité évidente, à mes yeux

Merci à tous pour vos retours, remarques et preuves de suivis sur le fil.

C'est difficile de parler de ses photos à des néophytes. Les "autres" n'auront pas besoin de blabla pour saisir l'ampleur de la tâche qu'une photo a parfois demandé.

Chaque photo renferme la valeur et la signification qu'on veut bien lui donner.
Voilà un texte très intéressant dont les deux parties nous invitent encore à des réflexions profondes.
Tout ceci accompagné d'une belle image pour parfaire le tout, bravo à toi et merci pour ce voyage intérieur !

tout est beau , texte et photo ,et que vive l'imagination .Merci à toi pour ta photo et surtout ton texte

Même avis
Dominique

Merci à tous pour vos retours gentiment exprimés.
L'image en illustration relève de mon approche personnelle en relation avec la lumière. Sachant que c'est elle qui nous adresse des défis à relever pour exprimer notre talent.
Une image est la finalité d'un geste qui s'inscrit dans cette démarche - Comprendre les lumières pour en capter l'essentiel et parfois l'invisible...

Pour le texte il émane de ma sensibilité et surtout de ma conception de ce qu'une image doit nous faire entrevoir pour entreprendre avec elle une lecture, que seul celui qui la contemple peut comprendre sans qu'il en soit forcément l'auteur.

A ce sujet, je propose à la team des modos un nouveau post qui serait en relation avec le magazine si possible.
A savoir de choisir une image sur la production totale des post du forum et quelque soit son thème, pour que je puisse écrire un texte valorisant celle-ci qui serait édité dans le magazine tous les deux mois en accord avec Mr Giraud.
j'ai en effet proposé à Laurent d'écrire une rubrique bi-mensuelle qui porterait sur ce projet et qui s'intitulerait "Dis Jorel, raconte moi une image".

Voilà un projet qui me tient à coeur.
Pour tous ceux qui me font le plaisir de suivre ma production d'images, et mes textes, je vous propose de retrouver mes textes et photos dans le prochain N° 106 d'I&N en parution le 14 septembre prochain.

Un grand merci à tous ceux qui suivent ce post...

Philip