Bonjour à vous tous. Je profite de la nouvelle configuration du forum et plus particulièrement de cette partie "reportages" pour lancer un fil qui montrera ma région en toute saison.

Aujourd'hui je vais vous parler du "Chaberton". Ne prenez pas peur, se sera très succinct, juste de quoi le situer dans l'espace et dans le temps.

1 - C'est un sommet imposant qui culmine à 3131m. Son ascension au départ du col de Montgenèvre demandera pas mal d'efforts avec 1250m de dénivelée. Mais le 360° qu'on découvre là haut est exceptionnel entre les vallées françaises et la vallée du Po. Mais cette ascension à quelque chose de particulier, on va côtoyer l'histoire tout au long de l'ascension. Ici plus qu'ailleurs on peut voir à quel point la fureur ou la bêtise des hommes les a conduit. Venez avec moi visiter le "cuirassé des nuages".
C'est le sommet artificiellement plat au fond à droite sur la frontière franco-italienne. Cette photo a été faite depuis le Serre des Aigles juste au dessus de la ville de Briançon.


2 - En 1891, l’Italie adhéra à la Triple Alliance ou triplice, alliance diplomatique et militaire signée avec les empires allemands et austro-hongrois dans le but d’affaiblir la France et de contrer un éventuel rapprochement franco-russe. Peu après, elle se lança dans la construction d’une batterie de huit tours de maçonnerie au sommet du Mont Chaberton, qui était à cette époque sur le territoire italien, afin d’y installer huit canons braqués sur Briançon. Chaque tour faisait 12 mètres de haut, cette hauteur correspondant à la plus haute chute de neige enregistrée. En 1906, avant l'achèvement définitif des travaux, il fut armé de huit canons italiens de 149/35.
La montée se fait tranquillement dans ce monde minéral.


3 - Les travaux furent achevés en 1910. Les militaires italiens étaient très fiers de ce fort appelé le « Cuirassé des nuages » et reconnu comme le plus haut et le plus puissant du monde. Compte tenu de sa position en altitude, ils le jugeaient inexpugnable, tandis qu’ils lui attribuaient la capacité d’atteindre la gare de Briançon distante de 18 km et située 1900 m plus bas.
Plus on se rapproche du sommet et plus les vestiges abondent. Réseaux de barbelés, chevaux de frise, obstacles en béton. Une panoplie très complète de ce qui se faisait à l'époque dans le domaine défensif. Par faible enneigement, le ski de randonnée est très dangereux dans ce secteur....


4 - Pendant la Première Guerre mondiale, l’Italie quitta la Triplice pour rejoindre la Triple Entente des Anglais, des Français et des Russes. Les canons du Chaberton furent démontés pour servir contre le front austro-hongrois. Mais çà ne va pas durer bien entendu !


5 - Pendant le régime fasciste de Mussolini, le fort fut réarmé et redevint une menace pour la France et Briançon. En 1940, la garnison comptait 340 hommes.
En bas le col du Chaberton, à droite c'est l'Italie..... Les ruines servaient pour loger la garnison, le matériel, l'intendance etc.... Vivre là haut en temps de guerre et tous les mois de l'année demandait une logistique importante et sans faille.


6 - C’est ainsi que nous arrivons à juin 1940 et plus particulièrement à la journée du 21 juin 1940. Le 10, l’Italie avait déclaré la guerre à la France et au Royaume-Uni, et le 20 elle commença son offensive à la frontière française. En réponse, l’armée française installa deux fois deux mortiers de 280 Schneider en deux endroits différents (vallée de Cervières), invisibles depuis le Chaberton et sans vue sur celui-ci (Contrairement au canon dont le tir est assez tendu, le mortier peut tirer en lob).


7 - Donc le 20 juin, les Italiens tirent sur les principaux forts français alentours (Janus, Gondran, Infernet, Trois-Têtes) mais ils ne causent guère de dommages car trop imprécis. Les conditions météorologiques ne permirent pas aux Français de riposter avant le 21 juin à 10 heures du matin. Une courte éclaircie laissa le temps aux Français, dirigés depuis un poste d’observation en hauteur, de tirer quelques coups qui s’approchèrent des tourelles du fort italien. Vers 17 h 15, les tourelles 1, 3, 4 et 5 furent touchées successivement. Le soir, les tours 2 et 6 furent atteintes également, déclenchant un incendie faisant de nombreux morts et blessés dans la garnison italienne.


8 - Des dizaines d'années de labeur et des millions de lire pour une journée de combat..... la bêtise humaine n'a décidément pas de limite.... Bilan des courses : 9 morts et une cinquantaine de blessés côté italien.


9 - L'esplanade devant les tourelles nivelée à la main..... et oui ils n'ont pas hésité à raboter un sommet pour dégager le tir des canons.....
Au fond le Pic de Rochebrune et le Queyras.


10 - L'intérieur du fort plonge le visiteur dans une ambiance quasi post-atomique très particulière à cette altitude. Insolite est le mot qui me vient à l'esprit même si depuis le temps je suis habitué à visiter ce genre de vestiges qui occupent presque tous les sommets alentours.


11 - Cette croix également très insolite a été dressée là soit par un randonneur ou un italien qui a perdu ici un parent ou par je ne sais qui.....
Je l'ai trouvé très appropriée..... Elle m'a frappé.
Derrière on voit la vallée de la Durance et Briançon.


12 - Voilà, il est grand temps de descendre non sans avoir jeté un coup d'oeil à la station de ski de Sansicario et la piste de bobsleigh qui a servi pour les JO de Turin en 2006.
Pour l'anecdote, en 1947 avec le traité de Paris, la France qui sort vainqueur de cette dernière boucherie mettra le sommet de cette montagne sur le territoire français tout comme la Vallée Etroite juste à côté. Chat échaudé craint l'eau chaude n'est ce pas ?


A bientôt....

ton reportage est tres interessant dis donc !

En passant au Glanon , j'avais pu constater la présence de fortifications, au dessus de St Véran de même. Je suis toujours surpris du travail qu'il a fallu pour de telles constructions, je ne parle pas de leur fonction , ni même de la bêtise humaine, tu le fais mieux que moi en dévoilant ces images.

Non content d'être un photographe ornitho dont le talent fait l'unanimité sur ce forum et ailleurs ,ce qui me saute aux yeux d'entrée sur ce reportage passionnant, c'est la qualité de tes clichés de paysages toujours techniquement au "rasoir" et toujours avec des choix de cadrage judicieux pour nous donner parfois la sensation de vertige .
C'est ça le talent....!

Combien de fois cette année, j'ai pu, tout en passant un bon moment de lecture ,m'enrichir intellectuellement en parcourant tes reportages .
Celui-ci en est un nouvel exemple .
Je remarque sur le cliché N° 2 que Jean-Claude non content d'avoir "bonne langue" a aussi bon pied
Une belle idée que cette croix (N°11)

Et un beau résumé de la bétise humaine (semble t'il éternelle)

Amitiés
Dominique

C'est où ?

Oui Jean Claude avec ces dix ans de plus que moi se porte comme un charme, même en altitude. Il monte tranquillement à son rythme

col du Granon...

Glanon Robert c'est le résultat d'un croisement entre Glandon et Granon
Dominique

Un intéressant rappel historique Robert, et des images d'autant plus superbes qu'elles sont prises en altitude et qu'elles montrent plus qu'un simple paysage!

Merci de me faire connaitre cette histoire ou du moin cette bêtise humaine
Tes images sont superbe

Ha ok, c'est là où nous avons un peu nettoyer avec Mountain Wilderness. Oui Jacques, il y en a de partout en partant de l'arrière pays Niçois jusqu'au fin fond des Savoie.

Je n'ose même pas imaginer le nombre d'ouvriers qui ont dû périr pour la construction de ces tours inutiles, avant d'en faire lors de cette guerre. Pour abimer l'espace naturel, l'homme a toujours eu bcp de génie et pas de celui qui fait briller l'intelligence. Je ne connaissais pas cette partie de notre histoire, et je ne connais d'ailleurs pas ces montagnes, merci de nous en montrer la beauté même si par endroits, elle a été enlaidie. Comme je regrette de ne plus avoir la forme physique pour aller vers ces sommets, la vue a l'air d'être grandiose.

C'est intéressant et impressionnant...c'est fou ce que les hommes peuvent inventer comme conneries...et tout le pognon qui a du être dépensé pour ça alors qu'il y aurait eu sûrement bien mieux à faire avec...

Alain

Sacré Dom!!!

Très intéressant, je me suis instruit un peu plus ce matin et suis heureux que tu nous fasses découvrir ta région.

Pour faire comme toi Robert, j'ai essayer de trouver le petit oiseau dans un coin de la photo comme tu sais le faire et n'ai rien trouvé, pas une plume! De belles images bien épurées comme tu sais le faire.

Amicalement

Michel

Robert,
Curieux de nature et d'un naturel curieux voilà que tu élargis ton champ de recherche en nous proposant quelques pages d'histoire
Le tout agrémenté de belles images dans un environnement très minéral
une nouvelle fois je dis
François

Je connaissais l'histoire (peut être d'ailleurs toi qui me l'avais raconté...) mais je n'avais jamais vu de photo du site, c'est réparé, grand merci.
Araser un sommet à la main pour ça
Quoi qu'il en soit, de belles photos des sommets