Bien que nous pouvons compter 5 espèces de rousserolles présentes en France, je vais retenir les trois espèces les plus communes. Je parle de la rousserolle effarvatte, la rousserolle turdoïde et la rousserolle verderolle.

La rousserolle des buissons (un doublet de la verderolle) est présente plutôt dans le nord et l'Est de l'Europe (Finlande, Estonie, Russie) et en Asie centrale (Kazakhstan, nord de l'Iran et Afghanistan). Elle hiverne dans tout le sous-continent indien et peut même aller jusqu'au Sri Lanka. Quelques oiseaux, surtout des jeunes, sont pris dans les filets des bagueurs dans les îles Britanniques et sur la côte Ouest de la France. Mais ces captures sont et restent anecdotiques. C'est encore plus vrai pour la rousserolle isabelle qui se reproduit dans le sud de la Russie et en Asie Centrale.

Rousserolle verderolle - Acrocephalus palustris - Marsh Warbler

1 - C'est un infatigable chanteur qui n'hésite pas à monter au sommet des tiges dénudées qui parsèment son territoire (fin mai-début juin). Son chant est d'une incroyable diversité puisque c'est un imitateur hors pair. Parfois on reconnait le cri d'une marmotte au milieu du chant d'un pipit des arbres ou d'un oiseau africain. Des études montrent qu'un oiseau peut imiter jusqu'à 80 espèces et quand on cumule toutes imitations on arrive à plus de 212 espèces dont 59 ne sont pas des passereaux.
L'examen des sonagrammes prouvent que certaines imitations sont parfaites.
Par contre une fois que l'oiseau entame le cycle de la reproduction (mi-juin) il devient silencieux et quasiment invisible.


2 - Acrocéphales, qui veut dire "tête en point", qualifie très bien l'allure de ces oiseaux. Il ressemble à s'y méprendre à la rousserolle effarvatte avec des teintes légèrement plus claires sur les parties basses et des tons moins chauds sur le haut. La couleur des pattes est également assez claire.
Mais comme toutes les rousserolles, celle-ci n'échappe pas à la règle. C'est un oiseau difficile à observer qui vit dans les buissons touffus et n'aime pas trop s'exposer à découvert.
Pour le photographier il faudra repérer ses postes de chant et bien se cacher. Si vous n'êtes pas trop voyant et surtout très patient, il y reviendra.


3 - Cet oiseau niche en Europe. On retrouve cette espèce dans les régions Est et Nord de la France, le sud de la Suède et de la Finlande et jusqu'au Kazakhstan à l'Est. Au sud de cette aire de répartition on trouve cette espèce dans l'arc alpin (France - Suisse - Italie - Autriche), dans les régions montagneuses de la macédoine de la Slovénie et de la Serbie et jusqu'à l'Est de la Turquie, en Arménie, en Azerbaïdjan et dans le nord-Est de l'Iran.


4 - Insectivore, cette petite fauvette doit parcourir deux fois par an des milliers de kilomètres pour trouver sa pitance à la mauvaise saison. Toutes les rousserolles verderolles passent l'hiver en Afrique de l'Est et du Sud : sa zone d'hivernage s'étend du Kenya au nord à l'Afrique du Sud. Les captures d'oiseaux bagués démontre une migration qui se fait par l'Est comme le représente ce petit croquis ci-dessous.

Comme tous les grands migrateurs cette petite fauvette a de très longues ailes. C'est d'ailleurs un très bon critère de terrain pour identifier les rousserolles quand on est en Afrique. Ça permet d'éliminer pas mal d'espèces quand on arrive à le voir.
La migration de cet oiseau débute fin juillet début aout. Les jeunes oiseaux partent un peu plus tard avec d'autres adultes. Les oiseaux d'Europe occidentale passent par les Balkans pendant que les autres oiseaux plus "russes" ou plus "asiatiques" franchissent le Caucase. Le passage principal se fait par la Mer Rouge, l'Érythrée, le Soudan et l'Ethiopie, nous sommes déjà entre la fin aout et fin septembre, çà s'étage jusqu'à octobre mais pas plus tard. En Ethiopie, le gros de la troupe fait un "stopover" pour entamer sa première mue partielle (plumes du corps ou autres qui ne concernent pas les organes de vol). Ils vont rester à peu près deux mois et repartir ensuite vers le Kenya, la Tanzanie etc... en suivant une route assez étroite limitée par la vallée du Grand Rift et les montagnes qui l'entoure. Plus de 180 000 oiseaux ont été capturé Au SE Kenya entre novembre et décembre 2009. Quelques bagues indiquaient des oiseaux en provenance de France, Belgique, Russie occidentale et des zones sud de la Baltique. De tous ces oiseaux bagués certains ont été capturé plus tard au Mozambique, au Malawi (3 oiseaux tchèques) et jusqu'en Afrique du sud (Finlandais).
Arrivés sur leurs terres d'hivernage il entame une mue complète et repartiront pour l'Europe vers fin mars- mi-avril. Et ainsi de suite.....


Voilà pour le premier opus.... A bientôt pour une autre rousserolle

Une très beau reportage et une bonne idée de présenter ces espèces la souvent peu connus et assez difficile à différencier les unes des autres sur le simple plumage, surtout que comme tu le dis et l'illustre bien elles sont souvent (trop) cachées.

J'ai une préf pour la dernière ! Magnifique

Intéressant, encore un fois, ce début de reportage sur ces grands voyageurs

Alain

Un sujet parfaitement documenté, Robert et des images superbes, malgré les difficultés liées à son environnement!

Robert
Comme cette fauvette niche chez moi, je suis d'autant plus intéressée par ton reportage. il me semble qu'elle est moins inféodée à l'eau que les autres qui nichent dans les roselières, puisque je la vois et l'entends dans les buissons en bordure des champs.
C'est super de mettre en avant ces petits passereaux discrets qu'on entend plus qu'on ne les voit, et que tu as su bien saisir.

Tu as raison Luna, je ne l'ai pas précisé mais effectivement, cette rousserolle n'est pas inféodé aux lacs et autres roselières. Mais elle n'est guère très loin de cours d'eau ou de près inondés (sagnes).

Merci à vous

Merci pour cette très belle présentation avec, comme toujours, une iconographie choisie. Si je puis me permettre , comme le disait Luna, son installation est variée selon les régions. Chez moi , c'est la mégaphorbiaie, le nid est accroché dans les touffes d'ortie ou de reine des près ou eupatoire, ailleurs se peut être les haies en bordure de champs de céréales et en montagne prés des zones d'alpage ( à ce que j'ai vu).

Dans les Hautes Alpes ils nichent principalement dans les aulnes verts touffus du col du Lautaret et les saules nains en bordure de torrents dans les autres vallées.

Mon titre n'est pas très adapté en fin de compte, je ne cherche pas à faire une monographie de ces trois espèces en parlant de son habitat, de sa reproduction etc.... Mais je voulais plutôt insister sur leur distribution et surtout sur leur migration.

Tu sais Robert , ce n'est pas très important , nous n'intervenons sur ton fil que pour des compléments ou anecdotes, sans plus... et sans chercher autre chose .

Je trouve très bien que tu te sois cantonné à quelques particularités de cette espèce, et que chacun contribue, par ses réflexions et commentaires, à compléter le sujet. J'aime bien ce genre d'échanges que je trouve toujours intéressant à lire, même lorsque je n'y participe pas

C'est vrai que c'est très bien, ça donne un peu de dynamique à ce fil

Robert et merci pour cet éclaircissement du casse tête ornithologue avec ces espèces de fauvette.

Voilà une très belle présentation suivi d'un excellent texte. Partage.

Gygy

Tu as les neurones très actifs Robert!... je ne m'en plein pas (je ne peux pas en dire autant et suis très admiratif de ton travail); tes fils m'apportent toutefois de très bonnes lectures avec toujours des infos intéressantes..
encore merci de partager pour cette grande connaissance.

Rousserolle effarvatte - Acrocephalus scirpaceus - Eurasian Reed Warbler

Voilà une petite suite avec cette rousserolle un peu plus connue que la précédente. Il faut dire que son aire de répartition est beaucoup plus importante en France. C'est la moins expansive des trois et reste un oiseau très difficile à voir et encore plus à photographier.
L'Acrocephalus scirpaceus scirpaceus est l'espèce nominale qu'on rencontre en Europe occidentale jusqu'au Caucase. L'Acrocephalus scirpaceus fuscus, considérée comme sous espèce, concerne les rousserolles effarvatte(s) d'Asie Centrale et du Moyen Orient.

5 - Par rapport à la verderolle les couleurs de l'effarvatte sont beaucoup plus chaudes. Le dessus est brun jaunâtre uniforme et les flancs couleurs chamois. Un sourcil pâle est visible avec une bonne lumière comme le montre la photo ci dessus. Mais le risque de confusion sur les territoires de nidification est très faible voir inexistant puisque ces deux oiseaux ne fréquentent pas du tout les mêmes milieux. Cette dernière hante les roselières mais préfèrera la zone touchant la rive laissant à la Turdoïde la zone de la roselière où l'eau est libre.
Par contre, en Afrique il faudra redoubler de vigilance puisque les deux espèces peuvent se retrouver dans des lieux inhabituels à cause de longues étapes nocturnes qui n'aboutissent pas toujours dans les milieux recherchés.


6 - Les mouvements commencent fin juillet avec un pic à la mi-aout. Ils passent par l'Espagne, le Maroc et vont hiverner en Afrique Tropicale. Les déplacements migratoires se font de nuit étape par étape. Au Portugal le pic des passages se fait en septembre, Octobre c'est le tour du Maroc. Le gros de la troupe arrive au Sénégal en novembre. A parti de là ils vont se répartir quasiment dans tout le Golfe de Guinée jusqu'au Gabon, République Centraficaine, le Congo où ils peuvent se retrouver avec les effarvattes asiatiques.


7 - Les bagues montrent plusieurs passages par la Méditerranée via Chypre, l'Egypte. Ça concerne plutôt les populations de la république Tchèque, de Hongrie.....
A la différence de la verderolle, la mue chez l'effarvatte est différente selon la localisation, la latitude et la sous espèce. A part l'Espagne où certains adultes partent à la fin de l'été avec une mue complète et le Maroc où une population d'effarvatte est sédentaire (Acrocephalus scirpaceus avicenniae) les autres commencent une mue partielle sur leurs lieux de nidification (corps - tête) et finissent la mue sur leurs lieux d'hivernage ou en chemin entre octobre et décembre.


8 - Cette photo a été prise en janvier 2015 sur les bords du lac Tana en Ethiopie. C'est une rosserolle effarvatte de la sous espèce "fuscus". Cette sous espèce diffère légèrement de l'espèce nominale avec des teintes plus pâle et une dominante plus olivâtre que marron qui pourrait rappeler la r. Verderolle. Les flancs sont moins chamoisés et le blanc plus "sale".
Cette sous-espèce niche autour de la Mer Caspienne et jusqu'au Kazakhstan. On la trouve également dans l'Est de la Turquie et au Moyen Orient. Elle migre par la péninsule arabique dès la fin juillet et ce, jusqu'au milieu du mois d'octobre. A la fin de l'été ils arrivent au Soudan et en Ethiopie où beaucoup d'oiseaux font une partie de leur mue (comme la verderolle). Mais les oiseaux n'ont pas tous la même stratégie : ceux qui descendent beaucoup plus bas que l'Equateur préfèreront faire leur mue complète sur leurs lieux où ils passeront les 4 ou 5 mois d'hiver.
Les premiers arrivent sur leurs aires d'hivernage dès le mois d'octobre. Mais les arrivées continuent jusqu'en janvier. On va retrouver ces oiseaux en Ouganda, au Malawi, au Congo, au nord du Botswana et jusque dans la bande de Caprivi en Namibie.......
Dès le mois d'avril çà remonte après une mue complète faite sur place.


9 - 3 à 5 oeufs sont pondus dans un nid tressé. Une douzaine de jours plus tard les oeufs éclosent et 10 jours plus tard les jeunes quittent définitivement le nid en sautillant (photo ci dessous) sans savoir voler. Bien que çà arrive de temps à autre, les oiseaux ne font en général qu'une nichée si elle réussit. Mais cette espèce est sujette à beaucoup d'aléas et peut tenter jusqu'à 3 ou 4 pontes de remplacement avec plus ou moins de succès.
La grande migration des jeunes oiseaux se fait entre début aout et début septembre mais beaucoup n'entament leur mouvement que fin septembre et même qu'à la mi-octobre avec des conséquences (si il y en a) inconnues.


A bientôt avec la turdoïde

Intéressante la différence, bien expliquée et bien illustrée, Robert, entre l'espèce nominale et la sous -espèce et de très belles images, en particulier les 5 et 8!