Je vais faire un petit tour d'horizon avec les différentes espèces d'hirondelles que nous pouvons trouver sous nos latitudes. Je parlerais brièvement de quelques espèces que j'ai croisé sur le continent africain. Une fois de plus, il ne s'agit pas d'un reportage exhaustif sur cette famille, loin de là. Mais considérons plutôt la chose comme une porte d'entrée pour découvrir, confirmer ce que l'on sait déjà ou mieux, pour éveiller la curiosité et chercher à en savoir plus.
Je commence par l'hirondelle rustique, c'est la plus connue et la plus emblématique. Les petits textes seront accompagnés de photos inédites.
1 -
Moi qui suis capable de faire plus de 10000 Km avec pour seul carburant quelques grammes de graisses. Avec mon profil aérodynamique, je pense plutôt être à la pointe de la technologie ! Mais, je ne vous en veux pas de m'appeler ainsi car vous savez m'accueillir chaleureusement lorsqu'à mon retour d'Afrique, vous m'ouvrez granges, étables et garages. Ne craignez pas de prendre froid, le printemps m'accompagne ! Mon secret : pendant mon retour, je reste branchée sur " météo hirundo ", car c'est seulement si la température est douce que je trouverais quelque insecte à manger, et dieu que ce voyage donne de l'appétit ! Bon assez gazouillé, le moment est venu de bâtir un nid. Et si vous me conservez quelques belles zones de chasse où bétail, bocage et marais ont encore une signification, je vous promets de revenir très longtemps ! (oiseaux.net).
Marais de Biebrza - Pologne
2 - Fin septembre, les jeunes hirondelles et les adultes qui ont terminé d'élever leur progéniture se regroupent le soir en dortoir dans les roselières autour des étangs pour y passer la nuit. Les journées sont entièrement consacrées à la chasse car il faut constituer une réserve de quelques grammes de graisses. C'est le précieux carburant qui permettra de traverser mer et déserts.
3 - De tous les oiseaux, l'hirondelle est sans doute la première espèce qui a fait prendre conscience à l'homme de l'incroyable phénomène de la migration.
Pourquoi cette petite bête atteignant tout juste 20 grammes ressent-elle, à la mauvaise saison, la nécessité de parcourir plus de 10000 kilomètres ? de plus, pour réaliser cet exploit elle utilise le vol battu où ses ailes sont presque toujours en mouvement. Difficile à croire !
Tellement difficile à croire, qu'il y a 200 ans à peine, le phénomène migratoire était totalement méconnu. La lecture de certains écrits anciens montre à quel point nos ancêtres avaient de l'imagination pour expliquer leurs absences pendant de longs mois.....
Castro Verde - Portugal.
4 - 350 av. J.-C., Aristote tenait déjà ces propos et c'est ainsi que pendant des siècles, "les scientifiques" ont cru les hirondelles capables de passer la période hivernale, sous l'eau ou enfouie dans la vase. Toutes ces croyances reposaient probablement sur le fait que les hirondelles qui se réunissent en dortoir dans les roselières et décollent très discrètement avant le lever du soleil. (à lire : témoignage de Daniel Bizet)
Vers 1780, le naturaliste Buffon, est un des premiers, dans "Histoire naturelle des oiseaux", à remettre en cause ces théories et avance que les hirondelles passent l'hiver dans des contrées moins froides, qui leur offre des insectes en abondance.
5 - A la fin du 18ème siècle, des érudits comme le moine Lazzaro Spallanzani en Italie ou encore J.L.Frisch en Allemagne eurent l'idée d'attacher des fils colorés aux pattes des hirondelles. Ils avaient ainsi inventé la technique du baguage.
On réussit ainsi à établir les premières cartes migratoires qui prouvent que les hirondelles vont passer l'hiver en Afrique. (Jean Méguin)
En France, ce seront des personnes comme Ménégaux et Bourdelles qui institutionnaliseront le baguage dès 1911.
Hautes Alpes - France.
6 - Les hirondelles "françaises" passent l'hiver au Nord de l'équateur. Elles vont occuper le Cameroun, le Congo, le Gabon, le Centrafrique (soit des distances de 5 à 7000Kms). Quant aux hirondelles russes elles préfèrent les pays au sud de l'équateur (soit des distances souvent supérieures à 10000Kms).
Dortoir en Ouganda sur le Canal de Kazinga entre les lac Georges et Edouard.
7 - Une petite hirondelle rustique dans les plaines du parc Kruger en Afrique du sud où tout abonde. Mais ces lieux propices sont logiquement occupés par beaucoup d'autres espèces d'hirondelles africaines.
8 - Fin janvier, un irrésistible besoin de se reproduire gagne progressivement nos migratrices ailées. Pourtant ici en Afrique, tout va pour le mieux, la nourriture est abondante, le climat agréable. Qu'est-ce qui peut bien pousser ces oiseaux à quitter ces lieux paradisiaques ? C'est probablement inscrit dans leurs gènes, elles ont choisi l'Europe pour nicher et ce choix doit venir de temps immémoriaux. Ces contrées sont certes lointaines, mais là bas, la concurrence est faible pour attraper les mouches, moucherons, moustiques et tipules qui pullulent dans les marais et les étables.
Alors, cela vaut peut-être bien la peine de faire autant de chemin, oui mais sans trop flâner, car le premier arrivé aura la meilleure place dans l'étable !
Lac Bisina - Ouganda.
9 - Mais les hirondelles ne peuvent progresser aussi vite qu'elles le souhaiteraient car elles suivent une zone climatologique dans laquelle il fait environ 10°. Cette température suffit pour que les premiers insectes deviennent actifs. En les attrapant, en plein vol, elles peuvent refaire le plein d'énergie. Toujours est-il que fin février, elles apparaissent sur les rives nord de la Méditerranée.
Dans les Hautes Alpes le gros des troupes arrivent fin mars début avril. Mais quelques individus intrépides sont souvent signalés dès la mi-mars.
Lac Langano - Ethiopie.
10 - Après un court séjour sur les étangs et dans les meilleures zones de chasse pour se refaire une santé, la merveilleuse aventure de la reproduction peut alors commencer. Ça passe par la consolidation ou la construction d'un nouveau nid.
Histoires insolites11 - (Le petit journal ; n°1196 dimanche 19 octobre 1913)
Surpris par une tempête de neige dans la traversée des Alpes, un vol considérable d'hirondelles est recueilli au monastère du Saint-Bernard.
Les moines du Grand-Saint-Bernard ne s'occupent pas seulement de retrouver, grâce à leurs chiens célèbres, comme nous le montrions dans notre dernier numéro, et de secourir et d'héberger les voyageurs égarés dans les neiges, il leur arrive aussi de donner l'hospitalité à des oiseaux.
Il y a quelques jours, tandis que la bourrasque faisait rage, ils aperçurent, venant du nord, une nuée d'hirondelles qui se dirigeait vers l'hospice pour trouver un abri. Aussitôt portes et fenêtres furent ouvertes. Déjà la neige tombait à gros flocons. En un instant toutes les salles furent remplies par les petits oiseaux, exténués de faim et de fatigue, grelottant de froid. Il y en avait dans la chapelle et dans le réfectoire, il y en avait jusque dans les cellules des moines qui allumèrent de grands feux pour permettre aux pauvres animaux de se réchauffer.
Le lendemain, après une nuit de repos, le temps s'étant remis au beau, le cortège des hirondelles reprit son vol vers midi. Mais il paraît que le secours n'avait pas été assez prompt, car les moines retrouvèrent aux environs du couvent des centaines de cadavres de ces oiseaux migrateurs qui, la veille, n'avaient pu s'abriter assez tôt. 11 - (Extrait de l'ouvrage "Moeurs et instinct des animaux" par A.POUCHET en 1897 (pris remis à un élève du lycée Condorcet en 1899)
[...]
Durant mes pérégrinations à travers la Méditerranée, au milieu de la mer, des hirondelles égarées vinrent tomber complètement épuisées sur le pont de la frégate qui me portait en Afrique. Tout le monde, matelots et soldats, les environna de soins, qu'elles recevaient pleines de confiance. Quand elles eurent enfin dissipé leurs fatigues, elles reprirent leur voyage vers les chaudes régions du Sénégal ; et depuis longtemps peut-être elles s'y reposaient sous les cabanes des sauvages, lorsque nous, nous n'avions pas encore salué les ports d'Algérie [...]
A bientôt pour la suite