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Interview : 2010, année de la biodiversité


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Interview d’Allain Bougrain Dubourg,
président de la LPO (Ligue pour la protection des oiseaux).

Quel bilan dresse aujourd’hui la LPO concernant l’état de la biodiversité, en France d’abord, et dans le monde ensuite ?
Au plan national, le bilan est mitigé. D’un côté on peut se réjouir de la renaissance de nombreuses espèces victimes du DDT et autres piégeages. De l’autre, on constate que même nos oiseaux « communs » sont désormais affectés. Plus grave, l’action doit prioritairement viser la protection des milieux (agriculture intensive, assèchement de zones humides, etc.) et l’exercice est beaucoup plus complexe. Au niveau mondial, les chiffres sont tristement éloquents. Là encore, le bouleversement des biotopes affecte directement les espèces. Il convient, en urgence, de préserver les espèces endémiques.

L’initiative de l’ONU, qui a décrété « 2010, année internationale de la biodiversité », a-t-elle un sens pour vous ?
Au sommet de la terre de Rio, puis à celui de Copenhague, je n’ai pas caché ma joie de voir qu’enfin les grands de ce monde s’intéressaient à la biodiversité et prenaient l’engagement de stopper son déclin en 2010. Aujourd’hui, force est de constater que nous ne sommes pas au rendez-vous. L’arche du vivant continue de prendre l’eau et nous écopons, plus que nous colmatons. Cette année constitue cependant un signe fort pour une prise de conscience collective et l’on sent une réelle volonté d’agir de la part de tous les acteurs. 2010 révèle notre lourde responsabilité et offre à tous ceux qui se battent pour le vivant, l’occasion d’être – pour la première fois – entendus.

Si oui, comment la LPO compte-t-elle exploiter cette opportunité ?
Nous avons établi 12 évènements phares pour les 12 mois de l’année. Chacun d’entre eux permettra d’attirer l’attention sur une action urgente. Cela va des zones humides, à l’éducation à l’environnement en passant par le « Top 10 » des espèces délaissées et pourtant gravement menacées. J’ai la conviction que 2010 donnera un nouvel élan aux salariées et bénévoles de la LPO qui pourtant s’investissent déjà beaucoup.

Peut-on encore réussir à enrayer la perte de biodiversité ou est-ce malheureusement déjà une utopie ?
La question ne se pose pas, il faut agir ! Notre élémentaire devoir éthique impose que nous restions attentifs au plus modeste des représentants du vivant dont, par notre statut dominant, nous avons la responsabilité. Rappelez-vous le Petit Prince : « Tu es responsable de ce que tu as apprivoisé » !

Interview de Cristina Mittermeier,
directrice de l’ILCP, Ligue internationale des photographes pour la conservation

Les membres de l’ILCP, International League of Conservation Photographers, sont des photographes de terrain et des témoins privilégiés de l’évolution du monde sauvage. Au fil des ans, ont-ils pu mesurer clairement la perte de biodiversité ?
Les photographes avec qui nous travaillons sont de vrais journalistes et beaucoup d’entre eux sont diplômes en sciences naturelles ou en biologie. Ils sont donc en mesure de rapporter des reportages étayés sur ce qui se passe dans le monde et les nouvelles sont alarmantes. Nous sommes en train de perdre la trame même sur laquelle repose la vie sur Terre et même s’il est difficile de mesurer globalement les effets de cette perte, nous voyons bien avec quelle rapidité certains de ces éléments individuels disparaissent. Des tigres aux dauphins, le genre des amphibiens tout entier, les poissons, les plantes, tous sont menacés. Notre boulot est de produire des images irrésistibles pour informer les décideurs et les législateurs, de manière à ce que la protection de la biodiversité puisse devenir effective.

Les Nations Unies ont décidé de faire de 2010 l’année internationale de la biodiversité. Est-ce utile selon vous ?
Certainement. Le mot même de biodiversité est inconnu pour beaucoup de gens et nous espérons qu’en le mettant en avant tout au long de cette année, nous, en tant que communauté internationale de photographes engagés pour la protection de la nature, arriverons mieux à expliquer pourquoi la protection de la biodiversité est une question de sécurité nationale et internationale.

Comment allez-vous exploiter l’événement ?
Notre association a pour vocation de délivrer des messages sur la conservation. En tant que telle, nous allons travailler avec autant d’organisation de conservation que possible pour attirer l’attention sur un grand nombre de problématiques liées à la biodiversité. En ce moment, nous travaillons conjointement avec le Conservation International et le WWF sur un livre traitant de la biodiversité dans les milieux d’eau douce. Nous participons aussi aux nombreuses actions entreprises par le Global Environment Facility dans le domaine de la biodiversité et nous travaillons avec le Wild Salmon Center pour faire circuler l’information sur certaines espèces essentielles. Nous prévoyons de remettre toutes ces informations, et bien d’autres encore, à la conférence des parties à la convention sur la diversité biologique qui se tiendra en octobre à Nagoya, au Japon.

Selon vous, comment la photographie peut-elle aider la cause de la biodiversité ?
Nous ne pouvons protéger que ce nous connaissons… C’est un fait bien établi. De ce fait, la photographie doit jouer un rôle de documentation et d’information pour que le monde soit au courant de l’état de ses richesses naturelles. Elle doit aussi pousser les législateurs et la société dans son ensemble à s’engager davantage dans la voie de la protection.

Interview de Gilles Martin,
photographe animalier

1- L’initiative de l’ONU, qui a décrété 2010, année internationale de la biodiversité, a-t-elle un sens pour toi ?
Elle n’a de sens pour moi que si elle provoque une mobilisation citoyenne pour faire pression sur les politiques dont on ne peut que constater l’échec. Le fiasco du sommet de Copenhague en est la preuve !
Comme l’écrit Al Gore en préface du Printemps silencieux, ouvrage fondateur de l’écologie profonde, « le pouvoir d’une idée peut être plus grand que celui des politiques ».

2- L’Arche Photographique, ton projet qui vise justement à défendre la biodiversité, exploitera-t-elle cet événement d’une manière ou d’une autre ?
Nous allons continuer à sensibiliser le grand public et faire participer les scolaires, notamment avec l’exposition \"Biosphère\" qui sera présentée en 2010 dans plusieurs grandes villes.

3- Quels trésors de la biodiversité comptes-tu photographier cette année ?
Parmi les destinations planifiées pour 2010, le Brésil et Bornéo, où j’espère photographier plusieurs espèces de primates. Je vais également réaliser un reportage sur les éco-guerriers qui évoluent dans l’ombre des « écologistes médiatiques » mais qui sont aujourd’hui les seuls à risquer leur liberté et leur vie pour protéger notre planète.

4 - Peut-on encore réussir à enrayer la perte de biodiversité ou est-ce malheureusement déjà une utopie ?
La réponse est NON à la première question et OUI à la seconde ! Les causes de la raréfaction de la biodiversité sont multifactorielles, complexes et imbriquées. Le cœur du problème, c’est la démographie et je m’étonne que ce sujet tabou ne fasse pas plus souvent l’objet de débats. La prolifération de l’espèce dominante Homo sapiens démultiplie tous les problèmes liés à la disparition des autres espèces et des écosystèmes. Il serait temps que les politiques du monde entier fassent preuve de courage et réfléchissent à ce problème très sensible mais crucial.

Interview de Staffan Widstrand,
directeur général de Wild Wonders of Europe

Pendant leur mission pour Wild Wonders of Europe, est-ce que votre équipe de photographes a pu évaluer la perte de biodiversité en Europe ? Leur constat est meilleur ou pire que prévu ?
Nous avons constaté que les choses étaient à la fois meilleures et pires que ce à quoi beaucoup s’attendraient. L’Europe perd assurément de la biodiversité chaque année, et tous ceux qui sont préparés à ouvrir les yeux peuvent le voir. En voici les raisons principales :
1- Nous, humains, sommes de plus en plus nombreux et nous voulons tous un niveau de vie élevé. Nous vivons selon un mode qui exigerait les ressources de trois planètes.
2- Le développement urbain qui en résulte partout le long des côtes, près des villes et dans les plaines. Les logements, les réseaux de transport, les bureaux, les centres commerciaux et les zones industrielles exigent de plus en plus d’espace et d’énergie.
3- L’agriculture industrielle/chimique, avec des fertilisants artificiels, des insecticides, des fongicides, des herbicides et des monocultures de quelques variétés de plantes seulement, qui laisse derrière elle un désert biologique très monotone. Très peu de bétail a la possibilité de vivre en extérieur et se voit, à l’opposé, confiné en intérieur pour toute son existence.
4- L’industrie forestière, avec d’immenses forêts de plantation, uniquement composées d’arbres des mêmes espèces, souvent étrangères, tous du même âge et, encore, l’utilisation d’insecticides, de fertilisants et de fongicides qui laissent ici aussi un désert biologique.
5- La flotte de pêche européenne incroyablement surdimensionnée et sursubventionnée, qui ruine complètement la faune de base et les réserves poissonnières. C’est probablement le pire des désastres que connaît actuellement l’Europe en termes de biodiversité. De grandes parties de la Méditerranée ne sont plus qu’une mer vide…
6- La tradition de chasser des millions de petits oiseaux chanteurs et tirer pour le plaisir des rapaces se poursuit dans plusieurs pays méditerranéens, même si elle a officiellement été interdite.
7- Les zones côtières connaissent un surdéveloppement complet, particulièrement en Méditerranée et sur les rives de la Mer Noire, se transformant toutes en hôtels, en maisons de vacances et en ports de plaisance. Il faut que cela cesse absolument et dès maintenant.
Mais la grande bataille pour la biodiversité partout dans le monde se joue dans les zones qui ne sont pas protégées. La question à un million d’euros est : comment allons-nous réussir à préserver la biodiversité dans les régions agricoles, d’exploitation forestière et de pêche ? Et il y a beaucoup de bonnes réponses possibles à cette question.
Et en même temps, il y a un renouveau merveilleux de la faune sauvage avec un nombre impressionnant d’espèces partout en Europe. Cela, grâce aux décisions délibérées que nous avons prises en ce sens. Il y a ici quelque chose qu’il faut vraiment fêter. Cela montre que la conservation de la nature fonctionne réellement. Nous, Européens, avons changé certaines de nos attitudes vis-à-vis de la faune et de la nature, et le résultat, c’est que beaucoup d’espèces sont de retour et que beaucoup d’endroits incroyables ont été sauvés. Le réseau européen d’espaces protégés Natura 2000 – plus de 25 000 sites et presque 20 % du territoire communautaire – est une immense victoire pour la conservation de la nature. Il en est de même pour les directives sur les milieux, les oiseaux et l’eau douce. Ces initiatives légales, ces décisions politiques au niveau européen, ont sauvé des portions énormes de notre héritage naturel. Et maintenant, c’est le réseau Emerald (Émeraude) qui tente le même tour de force dans l’Europe non communautaire. Voilà un développement fantastique !
Les espèces de retour sont : le cerf, le sanglier, le chevreuil, le chamois, le bouquetin, la loutre, le castor, les phoques, les baleines, l’ours, le loup, le lynx, le glouton, le bouquetin ibérique, le pygargue à queue blanche, l’aigle royal, le faucon pèlerin, l’aigle ibérique, presque toutes les chouettes, la plupart des autres rapaces, les grues, les cigognes, les hérons, les cormorans, les oies, les canards, l’esturgeon, le saumon et d’autres poissons des rivières.
La conservation de la nature fonctionne. Il faut juste que nous allions beaucoup plus loin dans cette direction.

Les Nations Unies ont décidé de faire de 2010 « l’année internationale de la biodiversité ». Cette initiative vous paraît-elle utile ?
Oui, c’est très utile et très important. Notre projet de Wild Wonders of Europe a été entièrement créé autour de cet événement. La biodiversité, c’est-à-dire la variété de la vie sur Terre, est LA question cruciale pour les humains du monde entier. C’est la base grâce à laquelle nous pouvons boire, manger et fabriquer nos vêtements. Je ne parviens pas à imaginer un thème plus crucial pour une année des Nations Unies.

Comment allez-vous exploiter l’événement ?
Nous allons commencer par faire tourner trois expositions majeures (une immense pour l’extérieur et deux prévues pour l’intérieur) avec l’ambition d’atteindre au moins – et nous l’espérons – plusieurs sites dans chaque pays d’Europe. Nous allons aussi publier cette année un livre incroyable – Wild - Nature sauvage d’Europe – dix langues européennes. Il n’est pas encore imprimé, mais c’est déjà un des beaux livres les plus vendus pour cette année. Il y aura également des émissions, des shows multimédia, des conférences et des articles dans la presse écrite. Et, bien sûr, notre grand site web continue à rendre la biodiversité européenne toujours plus visible semaine après semaine.

Selon vous, de quelle manière la photo peut-elle aider la cause de la biodiversité ?
C’est aussi simple que ça : nous, les humains, ne voterons que pour les choses qui nous touchent émotionnellement, celles que nous aimons ou, au moins, que nous apprécions. Mais comment peut-on espérer recueillir le vote des gens pour des choses qu’ils ne connaissent même pas ? Des choses dont ils ne savent pas à quel point elles sont merveilleuses. Nous nous sommes donc attelés à la tâche de faire connaître les merveilles sauvages (Wild Wonders) de notre continent aux 700 millions d’habitants de l’Europe, mais aussi au reste du monde, pour que tout le monde en tombe amoureux. Pour cela, il n’y a pas de meilleur outil que le pouvoir émotionnel des grandes photographies. Voilà pourquoi nous avons envoyé 69 de nos meilleurs photographes sur le terrain, pour 125 missions, réparties dans chacun des 48 pays de l’Europe géographique.

Interview de Sébastien Moncorps,
directeur de l’UICN (Union internationale pour la conservation de la nature)

L’UICN est probablement la mieux placée pour répondre à cette question. Début 2010, quel est l’état de la biodiversité en France et dans le monde ?
La biodiversité traverse actuellement une crise à l’échelle mondiale, résultat du développement des activités humaines qui entraîne une disparition accélérée des espèces et des milieux naturels. Les chiffres de la Liste Rouge de l’UICN sont à cet égard très parlants : 1 espèce de mammifère sur 4, 1 espèce d’oiseaux sur 8 ou encore 1 espèce d’amphibiens sur 3 sont aujourd’hui menacées. Il est important de prendre en compte que cette situation n’est pas limitée aux espèces : plus de 60 % des services que nous rendent les écosystèmes sont aussi dégradés. Ces services sont pourtant vitaux : il s’agit de la fourniture d’oxygène ou de nourriture, la régulation de la qualité de l’eau, la pollinisation des plantes, le stockage du carbone… En résumé c’est l’ensemble du tissu vivant de la planète qui est sérieusement affecté, et dont nous dépendons étroitement.
La France n’est pas épargnée par cette crise de la biodiversité à cause des pratiques agricoles intensives (nous sommes le troisième utilisateur mondial de pesticides), du développement de l’urbanisation (l’équivalent d’un département français est artificialisé tous les 10 ans) ou de la construction d’infrastructures. La responsabilité de la France est particulièrement forte en outre-mer qui abrite une richesse écologique exceptionnelle mais menacée. Il ne reste, par exemple, plus que 1 % de la superficie des forêts tropicales sèche de Nouvelle-Calédonie, et nos récifs coralliens sont endommagés de 10 à 80 % selon les territoires.
Néanmoins, les actions et les initiatives sont de plus en plus nombreuses pour sauvegarder nos richesses naturelles, et généralement elles portent leurs fruits ! Il faut notamment saluer le travail des associations de protection de la nature et se réjouir du fait que les collectivités locales et les entreprises s’emparent de plus en plus du sujet.

L’initiative de l’ONU, qui a décrété 2010 « année internationale de la biodiversité », vous paraît-elle utile ?
Cette initiative est très importante au moment où nous avons tous besoin de lancer une mobilisation beaucoup plus forte sur la biodiversité. Les États s’étaient en effet engagés en 2002, lors du Sommet mondial du développement durable, à enrayer la disparition de la biodiversité d’ici 2010. L’heure est donc cette année au bilan et l’on sait que, malgré les efforts faits, les résultats ne sont pas au rendez-vous. Nous espérons donc que cette année dédiée pour la première fois par les Nations Unies à la biodiversité soit une occasion unique de mobiliser davantage le plus grand nombre d’acteurs, les gouvernements bien sûr mais aussi tous ceux de la société civile.

Si oui, de quelle manière envisagez-vous de l’exploiter ?
Le Comité français de l’UICN a organisé le 20 janvier dernier un congrès pour mobiliser l’ensemble de son réseau et ses partenaires durant toute cette année 2010. Nous avons présenté une résolution précisant nos attentes et nos propositions pour que cette année soit décisive pour la biodiversité. Nous sommes également très impliqués dans l’organisation d’un grand événement, la Fête de la nature, qui se tiendra du 19 au 23 mai et qui proposera des milliers d’animations partout en France pour que le public soit plus sensibilisé aux enjeux de la biodiversité et découvre, ou redécouvre, toutes les richesses de la nature. Nous souhaitons enfin que le gouvernement prenne des engagements ambitieux, tant au niveau national, à travers sa stratégie nationale de la biodiversité, qu’au niveau international lors de la grande conférence mondiale sur la biodiversité (l’équivalent de la conférence de Copenhague sur le climat) qui se tiendra au Japon en octobre.
 
Que peut-on encore sauver de la biodiversité en l’état actuel des choses ?
Le constat est grave mais nous pouvons, et devons, réagir ! Les actions à engager ne manquent pas et nous devons agir collectivement à tous les niveaux, car la biodiversité c’est l’affaire de tous. Il faut amplifier les actions directes de protection des espèces et des milieux naturels les plus menacés et agir sur le plus long terme, en mettant en place un réseau écologique pour connecter tous les éléments de la biodiversité, depuis les sommets de nos montagnes jusqu’aux espaces verts de nos villes. Le principal défi à relever aujourd’hui est de garantir la prise en compte systématique de la biodiversité, dans les grandes politiques (agriculture, urbanisme, tourisme…) jusqu’à nos actions individuelles, pour prévenir et corriger nos impacts, et lancer des initiatives de reconquête de la biodiversité disparue. En résumé, plus de prévention et plus d’action, avec plus de sensibilisation et de connaissances !

Interview de Serge Orru,
directeur général du WWF France

Quel bilan fait aujourd\'hui le WWF sur l\'état de la biodiversité, en France d\'abord, et dans le monde ensuite ?
Le WWF dresse un constat alarmant sur l’état de dégradation des écosystèmes.Le monde connaît une érosion de la biodiversité sans précédent et la France, bien entendu, n’est pas épargnée.
De plus en plus d’espèces disparaissent à cause de nos modes de vie, menaçant le fragile équilibre de notre planète.
Pollutions, urbanisation sauvage des territoires, exploitations aveugles des ressources naturelles ajoutées à mille petites agressions, ont mis l\'univers du vivant au seuil d\'une nouvelle grande extinction, la première d\'origine anthropique. Son rythme est de 100 à 1 000 fois supérieur au taux d’extinction naturel, c’est-à-dire, à celui qu\'il serait sans notre tragique contribution. On estime que 50 000 à 100 000 espèces vivantes sont détruites chaque année sur les 5 à 50 millions existantes.
L’ampleur de la catastrophe est telle que le mécanisme de destruction gagne en vitesse sur le mécanisme de connaissance, puisque les chercheurs n’ont actuellement identifié qu’un peu moins de 2 millions d’espèces animales ou végétales vivantes.
Fragilisée, la nature n’est plus en mesure d’adapter son rythme aux changements brutaux que lui impose l’homme.
Si les choses restent en l’état, nous risquons de faire disparaître cette précieuse biodiversité, entraînant inévitablement la dégradation des écosystèmes qui, trop ébranlés pour parvenir à se régénérer, finiront par ne plus assurer leurs fonctions et les services qu’ils rendent aux sociétés humaines.
Pourtant comme le rappelle Yvon le Maho, un des plus grands spécialistes français du sujet, membre du Conseil scientifique du WWF-France : « chaque espèce constitue une « assurance » par les services qu’elle nous rend aujourd’hui, ou qu’elle est susceptible de rendre aux générations futures dans une infinité de domaines (alimentation, santé, industrie, loisirs…). Or, toute extinction est définitive et il faut plusieurs centaines de milliers d’années pour qu’une nouvelle espèce émerge. Il ne peut donc y avoir de « développement durable » sans préservation de la biodiversité. »
Au-delà du sort de nos animaux préférés, c’est bel et bien le destin du vivant qui se joue au travers de cette érosion accélérée et conjointement, celui de l’humanité. Il faut garder à l’esprit que c’est de la biodiversité que dépend notre prospérité.

L\'initiative de l\'ONU, qui a décrété 2010, année de la biodiversité, a-t-elle un sens pour vous ? Si oui, comment comptez-vous exploiter cette opportunité ?
Je pense que face à l’urgence de la situation, le fait de mettre la biodiversité à l’honneur pendant toute une année était une vraie nécessité. Non seulement cette initiative a beaucoup de sens pour nous, même si elle demeure symbolique, mais elle représente surtout une formidable opportunité de communiquer sur un sujet complexe qui peine à galvaniser les foules.
En effet, le terme même de biodiversité peut sembler barbare. Pourtant, ce nom, qui a tendance à rebuter au premier abord, désigne la vie.
Des plantes aux animaux, en passant par l’homme mais aussi par les organismes microscopiques et leurs gênes, ainsi que les différents paysages dans lesquels tout ce petit monde s’insère, chaque espèce, telle un maillon connecté aux autres par des liens insécables participe à l’équilibre de la planète.
Ce coup de projecteur médiatique mis par l’ONU sur le concept de biodiversité constitue donc une vraie chance pour nous de communiquer sur notre cœur de métier et d’attirer l’attention du grand public sur une thématique « mal aimée ».
Parce qu’il était impensable pour le WWF, de rater ce rendez-vous avec l’Histoire, nous avons lancé une vaste campagne de sensibilisation appelée « génération biodiv’ ».
Tout au long de l’année, les pandas se mobiliseront pour éveiller les consciences en incitant citoyens, entreprises et pouvoirs publics à agir pour stopper cette dégradation sans précédent de la biodiversité.
Notre objectif est de modifier la perception du citoyen qui a tendance à considérer que la biodiversité est un caprice d’écolo sans réelle incidence sur sa vie. Parce qu’il y a une méconnaissance réelle des répercussions que l’érosion de cette biodiversité risque de générer à terme sur la santé humaine et la qualité de vie, les gens ne se sentent pas concernés et ne voient donc pas l’intérêt de modifier leurs modes de vie.
Notre défi est donc de combattre cette vision faussée en faisant comprendre les notions de services écologiques rendus par la nature et d’interdépendance des différents maillons qui constituent la chaîne trophique.
Et parce que pour faire changer les mentalités il faut savoir surprendre, nous avons décidé de sortir des sentiers battus en organisant des événements inédits, à l’image de l’exposition « PNB *Produit Naturel Brut » qui, mêlant l’Art et l’écologie, proposera un regard nouveau sur la nature et les liens qui nous unissent à elle. Des œuvres artistiques célébrant la biodiversité envahiront la capitale. Tels les maillons indispensables de la grande chaîne de la Vie, disséminées dans l’espace mais liées les unes aux autres par un message unanime, elles constitueront un parcours initiatique le long duquel le visiteur prendra plaisir à flâner. Pour découvrir ces installations uniques, Rendez-vous le 5 juin !
D’autres opérations sont prévues, bien sûr. Nous allons organiser, entre autres, un happening sans précédent pour alerter l’opinion sur le sort des forêts guyanaises. Cette année, la saint-Valentin prendra une couleur différente… De même, parce que ? des espèces connues pourraient disparaître en raison du changement climatique, le 27 mars prochain, le WWF appellera le monde entier à éteindre les lumières de la planète, le temps d’une heure. Les 22 et 23 mai prochains, avec le Pandathlon, le WWF lancera également un défi sportif inédit pour la planète. 1 600 m de dénivelé à gravir sur les pentes du Mont Ventoux et 1 600 euros à collecter pour préserver la biodiversité.
http://www.pandathlon.fr

Peut-on encore réussir à enrayer la perte de biodiversité ou est-ce malheureusement déjà une utopie ?
Il reste un espoir, bien sûr, sinon, nous aurions déjà rendu nos tabliers ! Certes, la situation est grave et nous avons d’ores et déjà perdu de nombreuses espèces qui ne ressusciteront pas. Mais heureusement, il en reste encore beaucoup à sauver.
Aujourd’hui, à travers ses programmes de conservation des habitats dans les 235 écorégions du monde, le WWF nourrit l’ambition de conserver plus de 85 % de la diversité biologique sur terre.
Et au-delà de ses actions de terrain, notre organisation poursuit son travail de lobbying auprès des institutions, ainsi que ses opérations de sensibilisation afin de faire comprendre l’enjeu de préserver la biodiversité pour induire des comportements plus respectueux des écosystèmes.
Pour l’instant, la conservation de la biodiversité est encore perçue par le grand public comme un caprice d’écologiste qui n’a pas réellement d’incidence sur la vie des gens et n’apparaît pas comme une mission fondamentale. Ceci est sûrement lié à un problème de définition du concept de biodiversité et une méconnaissance des répercussions que l’érosion de cette biodiversité risque de générer, à terme, sur la santé humaine, la qualité de la vie, le quotidien des uns et des autres.
Le grand public a une perception naturaliste de la biodiversité et ses défenseurs sont assimilés à des contemplateurs béats de la nature qui font passer le sort des animaux et des fleurs avant celui des humains. Résultat : les gens ne se sentent pas concernés, n’ont pas conscience de l’incidence de leurs comportements sur cette érosion accélérée de la biodiversité et donc, ne risquent pas de changer leurs modes de vie.
C’est cette vision faussée qu’il nous faut combattre ! Et nous allons nous y employer, tout au long de l’année, au travers de notre campagne « génération biodiv’ ».
Notre défi est de parvenir à faire comprendre les notions de services écologiques rendus par la nature (et intrinsèquement liés à cette biodiversité) et d’interdépendance de tous les maillons qui constituent la chaîne trophique. C’est là le seul moyen de faire réagir les gens pour les inciter à préserver ce monde du vivant dont ils font partie.

 


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